Habitats aquatiques souterrains et stygofaune

De par leur importance — 97 % du volume d’eau douce non englacée — les eaux souterraines   constituent un véritable « océan continental » sous nos pieds. Ces aquifères  , définis sur des bases physique et géologique, sont autant de milieux de vie pour tout un cortège d’espèces animales, collectivement appelés faune stygobie ou stygofaune.

Les ancêtres des stygobies étaient des animaux qui vivaient dans les eaux continentales de surface, et qui se sont secondairement adaptés (sous l’effet de différentes pressions climatiques, écologiques ou simplement par opportunisme) aux conditions de vie des milieux aquatiques souterrains (HOLSINGER, 2000).

Représentation schématique d’un cortège d’espèces stygobies dans leur milieu naturel (ici, aquifère sableux / alluvionnaire). A : crustacé isopode Asellidae, B : crustacé amphipode Niphargidae, C : crustacé syncaride Bathynellidae, D : crustacé copépode Parastenocarididae, E : crustacés ostracode Candonidae, F : crustacé copépode Cyclopidae, G : annélide oligochète, H : mollusque gastropode Bythinellidae, I : biofilm. (d’après Danielopol et al., 1994)

La première et plus évidente caractéristique de ces milieux souterrains est l’absence de rayonnement solaire (obscurité partielle ou totale permanente). Écologiquement, cela limite la production primaire (absence de fait de photosynthèse), et entraîne une extrême pauvreté en ressources nutritives comme en oxygène (Malard & Hervant, 1999). Physiologiquement, les stygobies ont un métabolisme respiratoire et une activité motrice ralentis, à cause notamment des périodes de jeûne prolongé qu’ils peuvent subir (corrélativement, les organismes souterrains vivent généralement plus longtemps que les organismes de surface, Gibert et al., 1994). Morphologiquement, l’absence de lumière a rendu facultatif la présence de pigmentation et de récepteurs oculaires ; tous les animaux stygobies sont donc aveugles et nous apparaissent blancs. Parallèlement, et sous l’effet de la pauvreté nutritionnelle, ils présentent des organes chémo-récepteurs souvent très développés, capables de les orienter à distance vers des sources de nourriture sur la base de quelques molécules dissoutes.

Malgré les apparences, et une taille contrainte, la stygofaune présente une grande disparité de formes et diversité d’espèces (cf. encyclopédies biospéologiques de Juberthie & Decu, 1994, 1998, 2001). Elle comprend peu de vertébrés (le plus célèbre d’entre eux étant sans aucun doute le protée, un amphibien que l’on ne retrouve plus aujourd’hui que dans les Balkans), mais tous les grands groupes d’« invertébrés » sont représentés : crustacés, insectes, arachnides, myriapodes, mollusques, annélides, helminthes, etc., sans compter les protistes et autres bactéries qui vivent librement de manière planctonique ou regroupés sous forme de biofilms.

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