Le risque sécheresse

De par la nature même des roches affleurantes ou le développement important de l’altération superficielle du substratum rocheux, une grande partie des sols de la région Poitou-Charentes est argileuse. L’action de l’eau sur certains argiles des sols entraîne des phénomènes de retrait-gonflement, très préjudiciables pour le bâti. Tous les départements de la région sont concernés par ce risque qui induit des coûts importants pour la société. C’est vraisemblablement, en termes de coûts, le premier risque naturel en Poitou-Charentes.

Sommaire de l’article :

Un risque bien connu des géotechniciens

Toutes les argiles voient non seulement leur consistance mais aussi leur volume varier en fonction de leur teneur en eau. Certains minéraux argileux, du fait de leur structure en feuillets*, présentent de très fortes amplitudes de gonflement (jusqu’à plus de 10 fois leur volume) lorsque leur teneur en eau augmente. Inversement, lorsque celle-ci diminue en période de sécheresse, ils se rétractent (retrait). Parmi les argiles, la montmorillonite* figure comme l’une des plus gonflantes.

Ce phénomène se produit essentiellement dans la tranche la plus superficielle des sols argileux, soumise à l’évaporation en période estivale alors qu’elle reste quasi saturée en période humide, ainsi qu’à proximité du système racinaire des arbres, qui assèche localement le sol.

Sous les maisons, le sol reste sensiblement au même équilibre hydrique toute l’année, alors qu’à leur périphérie, il est soumis à évaporation en période sèche et subit un retrait provoquant des tassements différentiels au droit des façades, pouvant induire des fissurations.

Schéma illustrant le phénomène et ses conséquences sur le bâti

Des dégâts couteux pour la collectivité

Les sinistres liés au phénomène de retrait-gonflement des argiles constituent désormais en France la deuxième cause d’indemnisation au titre des catastrophes naturelles, juste derrière les inondations.

Les maisons individuelles, légères et souvent fondées superficiellement, sont les principales victimes de ce phénomène. Il se traduit par des fissures en façade, des défauts de fermeture des portes et fenêtres ou des décollements entre corps de bâtiments.

Au titre de la loi   du 13 juillet 1982, les propriétaires peuvent demander à être reconnus comme victimes des effets des catastrophes naturelles pour une prise en compte de leurs dommages. Ils doivent pour cela faire établir un dossier technique par un bureau d’études. Ce dossier doit prouver l’implication d’une sécheresse d’intensité anormale dans les dommages.
Depuis 1989, près de 5 000 communes ont été touchées et le coût total des indemnisations versées est évalué à 3,3 milliards d’euros.

En Charente-Maritime, par exemple, 157 communes sur 472 ont été reconnues en état de catastrophe naturelle au titre du retrait-gonflement des argiles entre 1989 et 2002. De plus, ces dernières années, les périodes de sécheresse intense ont été très fréquentes (2003, 2005, 2009…) et les dégâts sur le bâti ont tendance à se multiplier.

Dégâts sur le bâti

Comment identifier les zones sujettes à ce phénomène ?

A l’échelle départementale et communale

A la demande du ministère de l’Écologie et du Développement Durable, le BRGM a engagé depuis 1997 un programme de cartographie de l’aléa retrait-gonflement des argiles. En Poitou-Charentes, les données SIG d’aléa par département sont disponibles sur le site Géorisques. La carte ci-dessous en fait une synthèse régionale. Vous pouvez aussi accéder à la carte régionale interactive.

Cartographie de l’aléa retrait-gonflement en région Poitou-Charentes

Ces cartographies sont établies à partir :

  • De l’identification des formations argileuses du département. -La susceptibilité de ces formations vis-à-vis du phénomène de retrait-gonflement est évaluée sur la base de critères lithologiques (proportion d’argile au sein de la formation), minéralogiques (quantité de minéraux gonflants dans la phase argileuse) et géotechniques (capacité du matériau à absorber de l’eau).
  • De la « sinistralité » observée au cours des 15 dernières années.

Elle est évaluée en calculant pour chaque formation argileuse le nombre de sinistres rapporté à 100 km2 de surface d’affleurement   effectivement urbanisée.

Ces cartes permettent de mettre en évidence trois niveaux d’aléa* croissants. Les zones d’aléa fort sont a priori celles où la probabilité d’observer des sinistres fréquents et de grande amplitude est la plus forte.

A l’échelle de la parcelle

A l’échelle de la parcelle, seule une étude réalisée par un bureau spécialisé en géotechnique permet de déterminer avec certitude la présence d’argile sujette au phénomène de retrait-gonflement. -Cette étude se base sur les observations suivantes :

  • analyse du contexte géologique et hydrogéologique local,
  • reconnaissance visuelle des terrains lors du sondage et échantillonnage,
  • caractérisation des terrains au niveau de l’assise de fondation, au moyen d’essais d’identification de sols par du bleu de méthylène, retrait linéaire et/ou diffractométrie RX,
  • vérification de la capacité portante du sol et détermination du mode de fondation adapté au projet,
  • examen du rôle potentiel de la végétation arborée présente à proximité,
  • analyse des éventuelles circulations d’eaux superficielles et souterraines.

Comment construire sur un sol sujet à ce phénomène ?

Quelques principes simples à respecter :

  • Éviter que les racines des arbres ne se développent à proximité immédiate des fondations car elles assèchent localement le sol.
  • Limiter l’évaporation près des fondations et de manière symétrique tout autour de la maison, par un trottoir périphérique, une terrasse ou une membrane.
  • Éviter tout pompage, drainage ou apport localisé d’eau (descente d’eau pluviale ou fuite de canalisation enterrée par exemple) trop proche de la maison.
  • Assurer un ancrage homogène et suffisamment profond des fondations.
  • Mettre en place des joints de rupture entre bâtiments accolés, fondés différemment.
  • Éviter les sous-sols partiels et les ancrages dissymétriques.
    Quelques principes de construction pour limiter le risque

Quelques définitions

  • Structure en feuillets : les argiles sont des silicates d’alumine hydratés dont la structure est caractérisée par la superposition de feuillets entre lesquels se placent divers cations (Ca, Na, K…). L’épaisseur des feuillets est de quelques Angstroms mais peut varier par absorption (gonflement) ou perte d’eau (retrait).
  • Montmorillonite : (de Montmorillon en Vienne) fait partie des smectites caractérisées par des feuillets à trois couches de 14 Angstroms, valeur qui varie en fonction de la teneur en eau. C’est un silicate hydraté légèrement magnésien provenant de l’altération de roches éruptives.
  • Aléa : par définition l’aléa retrait-gonflement est la probabilité d’occurrence spatiale et temporelle des conditions nécessaires à la réalisation d’un tel phénomène. Parmi les facteurs intervenant, on distingue classiquement les facteurs de prédisposition des facteurs de déclenchement.

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