L’exploitation d’un aquifère

Les eaux souterraines   prélevées servent à de nombreux usages, depuis l’approvisionnement en eau potable jusqu’au chauffage des habitations.
Abondante en hiver mais rare en été, d’un point de vue quantitatif la disponibilité de la ressource en eau souterraines est fonction des caractéristiques des nappes  , du climat et des saisons ; ce qui implique une gestion rigoureuse pour limiter les conflits d’usage.

Sommaire de l’article :

Zoom sur la carte des points d’eau

Zoom sur les piézomètres : des comportements très différents

Les usages de l’eau

Chaque année, en moyenne près de 350 M[illions]m3 d’eau sont prélevés dans le milieu naturel en Poitou-Charentes pour satisfaire les besoins en eau d’une population de plus de 1.7 millions d’habitants (mais qui dépasse les 2 millions en période estivale du fait surtout du littoral). Les eaux souterraines   représentent autour des ¾ de cette production.
Les usages de cette eau se partagent essentiellement entre eau potable et agriculture. Les prélèvements pour l’eau potable s’élevaient à 143 Mm3 en 2010, dont les ¾ prélevés en eaux souterraines  . Au total, 404 (chiffre 2010) ouvrages contribuent à cette production, dont 10 seulement captent des eaux superficielles. Les eaux souterraines   dans leur grande majorité, comme les eaux superficielles, sont très vulnérables et ces dernières décennies plus de 400 captages* ont été abandonnés, la plupart pour des raisons de qualité.

Une part non-négligeable des eaux prélevées pour la consommation humaine se « perd » le long des réseaux de distribution. On estime que 80% est un rendement satisfaisant. Afin d’améliorer ces rendements, le décret du 27/01/2012 demande aux collectivités de réaliser un descriptif détaillé des réseaux ainsi qu’un plan d’actions pour la réduction des pertes. Toutefois, en terme de prospective, même si des efforts sont faits en matière de pertes du réseau de distribution ou en matière d’économie d’eau, ceux-ci ne devraient pas suffire pour faire diminuer les besoins futurs.

Volumes prélevés pour l’eau potable et l’agriculture

En volume global l’eau potable est le second usage de l’eau en Poitou-Charentes, mais en ce qui concerne les eaux souterraines   les prélèvements annuels sont à peu près équivalents entre eau potable et agriculture. Toutefois, les premiers sont concentrés sur un nombre limité de captages et sont répartis tout au long de l’année. Pour l’eau potable, le prorata volume/population est pour Poitou-Chatentes autour de la moyenne nationale (87 m3/hab pour 89 au niveau national).

L’agriculture est donc le premier utilisateur d’eau en Poitou-Charentes avec environ 60 % des prélèvements*, mais répartis sur 6 mois de l’année. Le département de la Charente-Maritime est le premier utilisateur de cette eau avec de l’ordre du tiers de la production et celui des Deux-Sèvres le moins consommateur avec autour de 10 %. Sur les 173 Mm3 recensés en 2010, plus des 2/3 sont prélevés en nappe  . Cette consommation d’eau est très dépendante des conditions climatiques et donc très fluctuante d’une année sur l’autre. Ces dernières années, du fait d’une sensibilisation importante et de contraintes imposées par l’Etat et les collectivités (diminution des volumes autorisés notamment), ces prélèvements sont en baisse.

Les autres usages de l’eau sont marginaux en Poitou-Charentes : l’industrie ne représente qu’une dizaine de Mm3, les prélèvements domestiques, bien que difficilement comptabilisables, sont nombreux en terme de nombre de points de captage   mais faibles en terme de débit prélevé. Il en est de même de la géothermie, bien qu’en croissance, du thermalisme, de la mise en bouteille. A noter que la production d’électricité, le stockage et les lâchers des barrages pour le soutien d’étiage   en particulier, la réalimentation artificielle des marais littoraux, qui constituent aussi des usages de l’eau, ne sont pas comptabilisés dans cette approche.

La carte des points d’eau

Pour répondre à la mise en œuvre de la DCE*, le territoire est découpé en entités hydrogéologiques ou masses d’eau*. Il existe également des masses d’eau pour les eaux superficielles. Sur la carte ci-dessous, les masses d’eau hydrogéologiques correspondant aux premières nappes   figurent en fond pour les points d’eau*, avec une couleur propre à chaque grands aquifères  *. Il existe environ 25 000 points d’eau* recensés en Poitou-Charentes, dont de nombreuses sources. On estime à environ à 10 000 le nombre de points réellement captés pour l’eau potable, l’irrigation, l’industrie et autres usages.

Carte des points d’eau de Poitou-Charentes

Les eaux sources de chaleur

Les eaux sources de santé

Des pluies abondantes en hiver

Sous nos latitudes les besoins en eau sont globalement couverts par la ressource. Sur le territoire de Poitou-Charentes on peut estimer qu’il tombe en moyenne 20 milliards de m3/an d’eau de pluie sur lesquelles environ 8 milliards viennent alimenter les nappes   et les rivières. Comparé aux quelques 300 millions de m3/an prélevés, on peut conclure à un bilan nettement excédentaire.
Mais la pluie efficace* tombe essentiellement en hiver et les besoins sont principalement en été. De plus, pour comptabiliser les besoins, il conviendrait d’ajouter aux prélèvements les volumes nécessaires aux rivières pour y maintenir la flore et la faune ou assurer les activités littorales.
En Poitou-Charentes, les nappes   montrant en général des cycles annuels de recharge   et de vidange, celles qui présentent une inertie faibles peuvent se recharger rapidement en hiver et déborder dans les rivières, entrainant des phénomènes d’inondation. Ce risque est particulièrement important dans les secteurs où le niveau des nappes   est peu profond et où le réservoir souterrain est constitué par des calcaires marneux   fissurés (Nord des Charentes, Sud des Deux-Sèvres, Nord Vienne).

Chronique (1993-2012) du piézomètre de St-Georges-des-Bois (17)

Sur ce piézomètre   de St-Georges-des-Bois (chronique 1993-2012), de la vallée du Curé au Sud du Marais Poitevin, on peut constater une recharge   rapide de la nappe   du Jurassique supérieur jusqu’à atteindre un palier entre 25 et 26 m NGF qui peut perdurer jusqu’en juillet certaines années. Ce palier correspond à un équilibre de la nappe   avec les eaux superficielles.

Pour identifier le risque de remontée de nappe  , le BRGM a réalisé pour le compte du Ministère de l’environnement des cartographies des zones les plus sensibles à ce phénomène : http://www.inondationsnappes.fr/. Par ailleurs, ce risque peut aussi être anticipé en couplant à la surveillance du débit des rivières une surveillance de l’état des nappes  .

Carte de la sensibilité aux remontées de nappes pour les Deux-Sèvres
Site du Ministère

D’une manière générale, l’aménagement des cours d’eau pour la gestion des inondations (digues, suppression de méandres et de seuils, creusement des cours…), le drainage des terres pour permettre culture et élevage, la disparition de zones humides et de couverts forestiers, l’imperméabilisation des sols dans les villes… ont conduit à accélérer les transferts des eaux de l’amont vers l’aval. Ces modifications de l’occupation du sol* favorisent d’une part les phénomènes d’inondation et d’autre part les assecs* des rivières du fait d’un environnement qui a perdu son rôle « d’éponge » (stockage temporaire de l’eau).

Quand la pluie fait défaut

C’est essentiellement entre l’automne et de début du printemps que les nappes   se rechargent. Dès que la végétation reprend, même en cas de fortes pluies en été, aucune infiltration   ne se produit. Toutefois en 2012, les fortes pluies des mois d’avril et de mai (de l’ordre du double des normales saisonnières) ont fait passer les nappes   les plus superficielles des niveaux les plus bas observés aux niveaux les plus hauts.
Les sècheresses graves des années 1976, 1989, 1992, 2003 et 2005 ont été essentiellement dues à un déficit de précipitations hivernales insuffisantes pour recharger les nappes  , lesquelles n’ont pu assurer à leur tour l’alimentation des eaux superficielles.
En période de sècheresse, le prélèvement   dans les nappes   doit faire l’objet d’une gestion raisonnable car il y a des répercussions sur le débit des sources, des rivières et sur la salinité des eaux littorales qui peut être préjudiciable à des activités économiques. En année déficitaire, les prélèvements pour l’irrigation peuvent concurrencer ceux pour l’eau potable, comme ce fut le cas pour Niort ou pour Poitiers en 2005.
La gestion des prélèvements agricoles est principalement du fait des DDT(M) (MISE*) en Poitou-Charentes sous la coordination de la DREAL* agissant sous l’autorité du Préfet de Région. Il y a une volonté d’harmonisation régionale, voire extra-régionale puisque le Préfet de Région est aussi Préfet coordonnateur pour le Marais Poitevin. Les bassins limitrophes de deux départements sont gérés par la DDT la plus concernée. La gestion des prélèvements agricoles intègre 2 niveaux :

• Le décret ministériel de septembre 2007 demande à ce que soient définis des volumes prélevables pour l’agriculture pour que soient respectés 4 années sur 5 les objectifs de débit en rivière (DOE*) et/ou de piézométrie   en nappe   (POE). Les organismes uniques désignés devront gérer ces volumes. Cette politique vise à limiter les épisodes de crise.

• Dans chaque département un Arrêté cadre préfectoral pris fin mars règlemente chaque année la gestion des prélèvements d’avril à fin septembre. Cette gestion, qui distingue actuellement les périodes du printemps et de l’été, s’appuie sur des valeurs seuils fixées sur les débits de rivières et/ou des niveaux de nappe  . Les arrêtés sont consultables sur les sites des DDT.

Les piézomètres : des comportements très différents

En Poitou-Charentes la quasi-totalité des piézomètres (forages), qui permettent de suivre le niveau des nappes  , présentent des cycles annuels et ne montrent pas pour l’instant d’évolution sur le long terme. Mais ces piézomètres présentent toutefois des comportements très différents et n’ont pas la même signification pour la gestion.

Chronique du piézomètre de Lamoinie
Source des données : Région Poitou-Charentes/ORE

La nappe   du Dogger du bassin   de la Dive-du-Nord présente une certaine inertie que le piézomètre   de Lamoinie illustre avec des cycles pluri-annuels, ce qui présente l’avantage de pouvoir prévoir de longue période de crise.

Chronique du piézomètre de Chez Petit-Dauffard (86)
Source des données : Région Poitou-Charentes/ORE

La nappe   du Dogger du bassin   de la Clouère, illustrée ici par le piézomètre   de Petit-Dauffard, montre une inertie moyenne avec des cycles annuels prépondérants sur des cycles plus longs.

Chronique du piézomètre de Prissé-la-Charrière
Source des données : Région Poitou-Charentes/ORE

Le piézomètre   de Prissé-la-Charrière est représentatif du Jurassique supérieur avec un palier haut atteint presque tous les ans, un impact important des prélèvements en été et l’absence de cycles pluri-annuels. La rapidité de réaction de la nappe   donne à la gestion de crise une efficacité particulière.

Y-a-t-il des solutions ?

Caractérisée par des bassins versants « courts », sans massifs montagneux à l’amont comme pour la plupart des grands fleuves français, la région Poitou-Charentes ne dispose pas de réserves en eau importantes permettant d’alimenter les rivières en été. Aussi il convient de s’efforcer à retenir cette eau abondante en hiver.
Quelques idées peuvent être proposées :

• Une gestion globale par bassin   versant, d’amont à l’aval, des nappes   et des rivières, des inondations et des étiages,

• Le stockage temporaire des eaux hivernales soit d’une manière naturelle, en reconstituant les zones humides notamment, soit d’une manière anthropique (réserves dites de substitution, barrages),

• Une gestion active de la ressource tendant à favoriser la recharge   des nappes  ,

• Une gestion rigoureuse des prélèvements tenant compte du fonctionnement de l’hydrosystème.

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