Pollution par les nitrates : état des lieux régional 2011

Des teneurs excessives en nitrates  , par rapport à la norme de potabilité, sont souvent relevées dans les nappes   souterraines en Poitou-Charentes, ce qui a conduit à l’abandon de nombreux captages pour l’eau potable ou ce qui implique des stations de traitement couteuses pour les collectivités. Un état des lieux régional est fait ici pour 2011 à partir des données du réseau de suivi de la qualité des nappes  .

Sommaire de l’article :

Les nitrates   : quelques généralités

Très solubles dans l’eau et donc très mobiles, les nitrates   sont, avec les phytosanitaires, la principale cause de pollution des nappes  . Précisons que l’on parle de « pollution » par rapport aux références de potabilité de l’eau, en particulier par rapport au seuil de 50 mg/l utilisé en France.

L’essentiel de cette pollution est dû au reliquat entre les apports en nitrates   sous forme d’engrais et ce qui est réellement consommé par les plantes. En Poitou-Charentes, l’origine industrielle, urbaine et domestique semble être le plus souvent à exclure, sauf très localement. Une part des teneurs mesurées dans les nappes   peut être relative à la production de nitrates   d’origine naturelle par le sol et la végétation.

La stabilité (et l’absence) des teneurs en nitrates   caractérise en général les nappes   captives. A contrario, dans les nappes   libres et karstiques  , les valeurs fluctuent annuellement, de façon comparable d’une année sur l’autre. Ces variations sont liées aux périodes de recharge   et aux périodes de fertilisation.

Bilan cartographique régional

D’après l’analyse des données du réseau qualité sur la période 2001-2011, les nitrates   contaminent de façon importante les eaux souterraines   du Poitou-Charentes avec 70 % des points du réseau ayant des valeurs supérieures à 10 mg/l. Les teneurs en nitrates   dans les nappes   captives restent généralement plus faibles ou nulles par rapport à celles dans les nappes   libres.

Amplitude des variations saisonnières des teneurs en nitrates pour 2011

La carte ci-dessus a été réalisée en calculant automatiquement pour chaque point la différence entre la teneur minimale et la teneur maximale mesurées en 2011. Ces variations saisonnières sont classées selon l’échelle suivante :

Les variations annuelles les plus importantes sont constatées sur les aquifères   karstiques   de la région : le Dogger et le Crétacé supérieur.

Evolution des teneurs en nitrates : médiane 2001-2010 / médiane 2011

La tendance pluriannuelle (hausse, baisse, pas de tendance) est évaluée pour chaque point à partir de l’analyse et de la comparaison des valeurs médianes sur la période 2001-2010 d’une part et sur l’année 2011 d’autre part. Une évolution est prise en compte lorsque la différence entre ces deux valeurs est supérieure à 5 mg/l.

D’une manière générale, sur la majorité des points la teneur en nitrates   évolue peu. La teneur médiane pour 2011 est supérieure à celle de la période 2001-2010 pour 2 points du réseau régional (n° 72 et 92). A l’inverse, 6 points (n° 40, 49, 54, 61, 98 et 106) montrent des teneurs médianes en 2011 inférieures à celles de la période 2001-2010.

C’est un constat que l’on fait aussi d’une manière générale en France : depuis le début des années 2000 la tendance est à la stabilité ; ceci s’explique surtout par l’amélioration des pratiques agricoles en optimisant les apports d’engrais. On peut faire aussi un autre constat général en Poitou-Charentes : les points à valeur très élevée (supérieure à 80 mg/l) montrent une tendance à la baisse, mais les points à valeur faible (inférieur à 15 mg/l) en revanche montrent une lente tendance à l’augmentation.

Analyse par masses d’eau

A partir des valeurs des concentrations en nitrates   sur les points du réseau qualité, 2 cartographies des masses d’eau libres ont été réalisées en différenciant les périodes de hautes et basses eaux. Il est à noter que quelques masses d’eau ne sont pas suivies, notamment la plupart les aquifères   des socles armoricains et du Massif Central.

Teneurs moyennes en nitrates des masses d’eau libres, hautes eaux 2011


Teneurs moyennes en nitrates des masses d’eau libres, basses eaux 2011

Les points dans les nappes   captives montrent généralement une bonne qualité d’eau vis-à-vis des nitrates  . Aussi, aucune cartographie de ce type n’a été construite pour ces masses d’eau. Si la présence de nitrates   est observée sur certains points en nappe   captive, ces anomalies peuvent être considérée comme des particularités locales et non comme étant indicatrices d’une dégradation généralisée de l’aquifère  .

D’après ces cartographies, l’ensemble des nappes   libres sont contaminées par les nitrates  . En effet, plus de 20 sur les 29 masses d’eau suivies présentent des teneurs moyennes supérieures à 20 mg/l en hautes et basses eaux ; 6 d’entre elles ont des teneurs supérieures à 50 mg/l.

Les nappes   du Jurassique moyen et supérieure, du Crétacé en Nord Vienne, sont les plus contaminées avec des teneurs en nitrates   qui dépassent souvent le seuil de potabilité de 50 mg/l. Globalement, la période de hautes eaux est caractérisée par des teneurs en nitrates   plus fortes qu’en périodes de basses eaux. C’est souvent la gestion des pics de concentration en hautes eaux sui pose des problèmes aux syndicats d’eau potable.

Teneurs moyennes en nitrates des masses d’eau libres, hautes et basses eaux 2011

Approche par aquifère  

L’Infra-Toarcien

Dans le cadre du réseau régionale, les eaux de la nappe   infra-toarcienne sont analysées par l’intermédiaire de 12 points. A noter que tous ces points sont localisés dans la partie captive de la nappe   et répartis des deux côtés du seuil du Poitou, dans la zone médiane de la région.

Extension de l’aquifère de l’Infra-Toarcien en Poitou-Charentes et points du réseau qualité

Le caractère captif de la nappe   protège naturellement les eaux des sources de pollution anthropique à la surface, notamment des pollutions nitratées. Les 2 points du réseau qualité à l’Infra-Toarcien qui font exception à cette règle correspondent à des situations très locales (proximité des zones d’affleurement   ou échanges entre nappe   par le tubage de l’ouvrage).

Le Dogger

L’aquifère   du Jurassique moyen est capté par 34 points du réseau régional : 3 points captifs, 6 points dits « karstiques   » et 25 points libres. Les parties libres de cette nappe   se répartissent de part et d’autre du seuil du Poitou. Les zones captives profondes des bassins sédimentaires sont peu reconnues et peu exploitées.

Extension de l’aquifère du Dogger en Poitou-Charentes et points du réseau qualité

D’après les résultats des analyses de 2011, les teneurs en nitrates   des points karstiques   et libres sont compris dans une gamme très large : 8,3 mg/l à 92 mg/l, avec une teneur moyenne de l’ordre de 43 mg/l. Tous les points ont des teneurs supérieures à 10 mg/l, excepté pour le point n° 20 (Servon à Leignes-sur-Fontaine). Au cours de l’année 2011, les concentrations en nitrates   de 12 points ont dépassé au moins une fois 50 mg/l, soient 5 points « karstiques   » et 7 points libres.

Pour la zone captive, des teneurs en nitrates   n’ont été quantifiées que sur le point n° 25 (sous le parc (la Petite Bournalière) à Cuhon).

Boite à moustaches* : évolution des nitrates sur la période 2001-2011 pour les points karstiques du Dogger (6 points)

En 2001, les teneurs moyennes des points de la nappe   du Jurassique moyen karstique   étaient de l’ordre de 50 mg/l. En 2005, ces teneurs ont baissés, puis augmentés jusqu’à arriver en 2009 à nouveau à leur valeur de 2001. De 2009 à 2010, elles stagnent, puis augmentent à nouveau légèrement en 2011. Ainsi, d’une façon générale, une tendance légère à la hausse semble se dégager ces dernières années.

En 2005, année particulièrement sèche, les lessivages des sols ont été faibles ce qui peut expliquer cette baisse des teneurs dans les eaux. On remarque aussi sur le graphe que les années sèches (2003, 2005) correspondent à des « battements » annuels plutôt faibles des teneurs.

Boite à moustaches* : évolution des nitrates sur la période 2001-2011 pour les points libres du Dogger (25 points)

Pour la partie « libre » du Jurassique moyen, une légère baisse de la teneur en nitrates   de 2001 à 2005 a été suivi par une hausse jusqu’en 2007. Depuis, la teneur moyenne reste relativement stable ( 38 mg/l), voire diminue très légèrement.

Le Jurassique supérieur

Cet aquifère   est exploité pour l’irrigation et pour l’AEP   dans ses parties libres qui s’étendent principalement au nord, dans les bassins versants de la Dive et de la Pallu, dans le bassin   de Lezay au niveau du seuil du Poitou, et au sud, du Marais-Poitevin à Angoulême (Illustration 32). Les aquifères   du Jurassique supérieur sont actuellement observés sur 18 points dont deux points captifs, un point karstique   et 15 points libres.

Extension de l’aquifère du Jurassique sup. en Poitou-Charentes et points du réseau qualité

En 2011, pour les points en nappe   libre, les teneurs s’échelonnent de 23 mg/l à 98 mg/l avec une valeur moyenne de 46 mg/l environ. Cette gamme de valeur est stable depuis 2008, oscillant de 20 mg/l à 23 mg/l pour la limite inférieure et de 98 mg /l à 110 mg/l pour la limite supérieure. La norme de qualité a été dépassée au moins une fois pour 6 points (n° 35, 47, 56, 63, 83 et 113).

Sur la partie captive (points n° 26 et 99), les nitrates   n’ont pas été quantifiés contrairement à 2010 où des valeurs faibles avaient été trouvées (0,6 mg/l).

Boite à moustaches* : évolution des nitrates sur la période 2001-2011 pour les points du Jurassique sup. (17 points)

Le même constat que pour le Dogger peut être fait pour cette nappe   : la teneur en nitrates   a diminué de 2001 à 2005, puis remonté jusqu’en 2006 pour se stabiliser autour de 50 mg/l.

Le Crétacé supérieur

Le Cénomanien et le Turonien-Coniacien constituent les deux aquifères   principaux du Crétacé supérieur. Ils sont localisés dans le Bassin   parisien au nord et dans les Charentes au sud. Les eaux du Crétacé supérieur sont suivies sur 26 ouvrages libres, (7 points « karstiques   », 19 points libres et 10 ouvrages captifs).

Extension des aquifères du Crétacé sup. en Poitou-Charentes et points du réseau qualité

Dans la partie captive de l’aquifère  , les teneurs en nitrates   dépassent 10 mg/l au moins une fois pour les points n° 1 et 40, et pour les deux prélèvements effectués sur le point n° 74.

Sur les ouvrages en nappes   libres, les teneurs s’échelonnent entre des valeurs inférieures au seuil de quantification jusqu’à 59 mg/l. La teneur moyenne est de l’ordre de 33 mg/l. Le seuil de potabilité (50 mg/l) a été dépassé au moins une fois pour 4 points : n° 62, 68, 72 et 76. Les concentrations sur 7 points (n° 19, 37, 62, 68, 72, 95 et 96) sont régulièrement comprises entre 40 mg/l et 50 mg/l.

Boite à moustaches* : évolution des nitrates sur la période 2001-2011 pour les points karstiques du Crétacé sup. (7 points)

Pour les points « karstiques   » suivis de la nappe   du Crétacé supérieur (soit 7 des 26 ouvrages libres), la teneur en nitrates   a globalement augmenté de l’ordre de 5 mg/l avec une teneur moyenne en 2001 de 30 mg/l qui est passé à 35 mg/l en 2010 après une légère baisse en 2005 (année très sèche). En 2011, la concentration moyenne a baissé légèrement par rapport à 2010.

Boite à moustaches* : évolution des nitrates sur la période 2001-2011 pour les points libres du Crétacé sup. (19 points)

La tendance globale à la hausse entre 2005 et 2010 et la diminution en 2011 de la concentration en nitrates   pour les points karstiques   sont également constatées sur les points libres, comme le montre le graphe de la boite à moustaches.

Les autres aquifères  

Les 2 points suvis dans les aquifères   de socle présentent des teneurs en nitrates   inférieures à 10 mg/l.

Pour les aquifères   des alluvions, le point n° 115 (Noyer Jaune à Vouneuil-sur-Vienne) montre une teneur moyenne de 36,7 mg/l), les points n° 107 et 110 du Marais de Rochefort ne dépassent pas la limite de 10 mg/l et sur le point n° 106 (route de Vibrac à Angeac-Charente) la teneur moyenne est de l’ordre de 8,5 mg/l.

Enfin, l’aquifère   des dunes au point n° 108 (zoo de la Palmyre aux Mathes) présente une concentration moyenne en 2011 de 18.5 mg/l.

La méthode de « la boite à moustache »

Dans le cadre de la DCE, l’objectif de l’atteinte du bon état qualitatif à l’échéance 2015 nécessite de caractériser le niveau de contamination des eaux souterraines mais également d’identifier les tendances d’évolution des concentrations en polluant. Pour identifier ces tendances, différentes méthodes statistiques peuvent être utilisées ; l’une des méthodes semblant la mieux appropriée est celle de la boîte à moustaches de Tukey (Box & Whiskers plot). Cette méthode a donc été utilisée afin d’analyser l’évolution des nitrates dans les différentes nappes.
Les diagrammes à boîte et moustaches se présentent de la façon suivante :

Lecture de la boîte à moustaches

Cette méthode permet de représenter un ensemble de données sur un même diagramme à l’aide d’une échelle d’intervalles : le minimum, le 1er quartile, la médiane, la moyenne, le 3e quartile ainsi que les deux limites (les extrémités des « moustaches » - la longueur des « moustaches » vaut 1,5 fois l’écart interquartile) au-delà desquelles on peut considérer que les valeurs sont anormales.

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