Pollution par les phytosanitaires : état des lieux régional 2011

En région Poitou-Charentes, les substances actives contenues dans les produits phytosanitaires appliqués se retrouvent dans les nappes  . Les molécules sont cependant nombreuses (plus de 200 recherchés en 2012 dans le cadre du réseau régional), et nous sommes actuellement confrontés d’une part à la présence de molécules de dégradation issues de produits interdits depuis 2003 et d’autre part à l’existence de nouvelles molécules pour lesquelles les procédures analytiques ne sont pas toujours au point. Cet article fait un bilan à partir des données 2011 du réseau régional de la qualité des nappes  .
(article co-rédigé avec la FREDON)

Sommaire de l’article :

Quelques chiffres de vente de produits phytosanitaires

D’après la Banque Nationale de Vente de produits phytosanitaires par les distributeurs agréés (BNV-D – source   : ONEMA et DRAAF Poitou-Charentes), 384 substances minérales et de synthèse ont été vendues en 2011 en Poitou-Charentes. La quantité est estimée à 4 300 tonnes (4 700 en 2010). Le glyphosate représente à lui seul 770 tonnes soit 18 % (600 en 2010). D’un point de vue quantitatif, la molécule de glyphosate est suivie de trois fongicides (mancozèbe, fosétyl-aluminium, folpel) pour un total de près de 400 tonnes. L’emploi du métolachlore est assez généralisé pour le désherbage du maïs avec 134 tonnes commercialisées en 2011.

Une contamination généralisée liée à la rémanence de substances interdites

En 2011, 26 substances actives ou produits de dégradation ont été quantifiées dans les eaux souterraines   de la région Poitou-Charentes. 9 substances sont liées à des molécules d’usages interdits.

Règlementation relative à l’emploi des 26 substances quantifiées en 2011
(en gris : produits de dégradation)

Malgré les retraits d’usage des triazines en 2003 et 2004, ces substances et leurs métabolites constituent les principaux contaminants phytosanitaires des eaux souterraines  .

D’autres substances sont détectées de manière plus épisodique à l’échelle du territoire et/ou à l’échelle du temps. Parmi les urées substituées, on peut citer deux herbicides utilisés sur céréales d’hiver, l’isoproturon, le chlortoluron ainsi que le diuron, un herbicide « zones non agricoles » et cultures pérennes et interdit en France fin 2008 dans la composition des produits phytosanitaires (mesure nationale). Ce dernier est également interdit dans la composition des produits biocides.

Parmi les chloroacétamides, on met en évidence un herbicide autorisé depuis 2005 sur maïs : le métolachlore. Il est détecté à des teneurs relativement faibles à l’occasion des campagnes de printemps, correspondant à sa période d’application. Compte tenu des différentes études menées au sein du BRGM, il convient de mentionner le fait que les métabolites ESA et OXA du métolachlore (mais aussi de l’acétochlore et de l’alachlore) pourraient être présents dans les eaux souterraines   [Baran et al. (2009), Baran et al. (2010), Gourcy et al. (2010)].

Malgré l’importante utilisation du glyphosate en Poitou-Charentes, cette molécule et son métabolite l’AMPA n’ont été que rarement quantifiés en 2011 dans les nappes   de la région.

Taux de quantification des phytosanitaires dans les eaux souterraines de Poitou-Charentes en 2011
Comparaison avec les périodes 2006-2011 et 2001-2005 (Hydroxyterbuthylazine, Bentazone et Oxadixyl n’ont pas été analysés en 2001-2005)

Comparaison eaux souterraines   – eaux superficielles

A titre de comparaison, dans les eaux superficielles de la région, le nombre de substances quantifiées est plus important (106 substances actives ou produits de dégradation différents sur la période 2006-2010 – Données Agences de l’Eau).

Bien que fréquemment quantifiée, la déséthylatrazine est moins souvent mise en évidence que dans les eaux souterraines  .

Le couple glyphosate/AMPA et le diuron, rarement quantifiés dans les eaux souterraines   sont régulièrement quantifiés dans les eaux de surface.

Le métolachlore est également plus souvent mis en évidence dans les eaux de surface que dans les nappes   de la région.

Taux de quantification des 16 principaux phytosanitaires dans les eaux de surface de Poitou-Charentes en 2006-2010
(Données : Agences de l’Eau)

Approche par aquifère  

Dogger

En 2011, sur 30 points « karstiques   » et libres, les pesticides ont été détectés sur 26 points. Dix-huit molécules différences ont été retrouvées. 12 points présentent un dépassement de la norme de qualité au moins une fois pour une molécule. Seuls deux points dépassent la norme de qualité en pesticides totaux (point n° 13 en décembre 2011 avec 0,84 µg/l et point n° 55 en juillet 2011 avec 2,03 µg/l).

La déséthylatrazine a été retrouvée au moins une fois dans l’année sur 25 points (comme en 2009) ; en 2008 et 2010 cette molécule avait été retrouvée sur 27 points. L’atrazine est encore présente sur 3 points (4 en 2010, 5 en 2009, 6 en 2008). Contrairement aux années précédentes, aucun dépassement de la norme à 0,1 µg/l n’a été enregistré.

La plus forte teneur en pesticides a été enregistrée sur le point n°55 avec une valeur de 2 µg/l pour le diuron.

Liste des molécules dépassant la norme de qualité en 2011 pour le Dogger

Au regard des diagrammes en boîte à moustaches, une diminution de la simazine et de l’atrazine, voire de la déséthylatrazine, est constatée entre 2001 et 2011. Les « moustaches » sont également moins longues indiquant la baisse de l’écart entre les valeurs.

Evolution des teneurs (µg/l) en simazine sur 2001-2011 pour le Dogger libre (31 points)


Evolution des teneurs (µg/l) en déisopropylatrazine sur 2001-2011 pour le Dogger libre (31 points)


Evolution des teneurs (µg/l) en atrazine sur 2001-2011 pour le Dogger libre (31 points)


Evolution des teneurs (µg/l) en déséthylatrazine sur 2001-2011 pour le Dogger libre (31 points)

Le Jurassique supérieur

Les nappes   libres du Jurassique supérieur sont globalement les moins contaminées des « grandes nappes   » libres. 9 points sur 17 présentent des teneurs en pesticides supérieures au seuil de quantification (10 en 2010, 11 en 2009 et 13 en 2008). Sur l’ensemble des analyses de 2011, 15 molécules ont été détectées au moins une fois, contre 13 en 2010 et 9 en 2009.

Les molécules les plus quantifiées sont la déséthylatrazine (6 points en 2011, 8 en 2010, 6 en 2009 et 7 en 2008) et l’hydroxyatrazine (4 points en 2011, 3 en 2010 et 2 en 2009). Le métolachlore n’est présent que sur un seul point (n° 33). L’atrazine n’a pas été quantifiée en 2011.

Liste des molécules dépassant la norme de qualité en 2011 pour le Jurassique sup.

L’analyse des diagrammes en boite à moustaches réalisés pour chaque année montre nettement la baisse de la simazine et de l’atrazine entre les années 2001 à 2010. En ce qui concerne la déséthylatrazine, la teneur dans les eaux de cette nappe   a baissé entre 2005 et 2009. En 2010, elle est légèrement remontée sans que la teneur moyenne ne dépasse la norme de potabilité, pour diminuer à nouveau en 2011.

Evolution des teneurs (µg/l) en simazine sur 2001-2011 pour le Jurassique sup. libre (17 points)


Evolution des teneurs (µg/l) en déisopropylatrazine sur 2001-2011 pour le Jurassique sup. libre (17 points)


Evolution des teneurs (µg/l) en atrazine sur 2001-2011 pour le Jurassique sup. libre (17 points)


Evolution des teneurs (µg/l) en déséthylatrazine sur 2001-2011 pour le Jurassique sup. libre (17 points)

Le Crétacé supérieur

Trois points captifs, présentant des teneurs en nitrates   importantes, font l’objet d’un suivi des pesticides. La norme de qualité est dépassée une fois pour la déséthylterbuthylazine sur le point n° 40 (forage du parc François 1er à Cognac).

Concernant les parties libres de l’aquifère   du Crétacé supérieur, 15 molécules ont été identifiées sur les 69 analysées. Les pesticides ont été quantifiés sur 21 points des 25 suivis (7 « karstiques   » et 14 libres).

Les teneurs en pesticides sont supérieures au moins une fois pour un élément sur 14 points. Trois ouvrages (n° 37, 88 et 109) dépassent au moins une fois la norme de potabilité pour le total des pesticides.

Globalement, les nappes   les plus contaminées dans les Charentes sont les nappes   libres du Crétacé supérieur, exception faite de celles situées à l’aplomb de zones naturelles (littoral charentais) et de recouvrements du Tertiaire (Eocène) dans le sud.

La présence de déséthylatrazine et d’atrazine explique essentiellement cette dégradation. A l’instar des aquifères   du Jurassique, la déséthylatrazine représente la molécule la plus souvent quantifiée au moins une fois (21 points sur 25 en 2011, 22 en 2010, 25 en 2009 et 22 en 2008). De plus, 14 points ont une teneur en déséthylatrazine supérieure à la norme de 0,1 µg/l, avec une valeur maximale à 0,42 µg/l pour le point n° 95 en mars. Sur ce point, la teneur minimale est relativement élevée (0,21 µg/l). Interdit depuis fin 2008, le diuron n’a jamais été quantifié. Quant au lindane, sa molécule associée, l’hexachlorocyclohexane alpha, a été quantifiée une seule fois, contrairement à l’année 2007 où il a été quantifié 7 fois sur 5 points.

Les herbicides utilisés pour entretenir les sols viticoles (simazine, terbuthylazine et produits de dégradation) forment un bruit de fond, toujours observé à l’aplomb du vignoble de Cognac. Il peut entraîner localement de fortes contaminations. Les moyennes des teneurs en déséthylatrazine et atrazine sont respectivement de 0,1 µg/l et 0,02 µg/l.

En résumé, les molécules les plus souvent retrouvées et quantifiées au moins une fois pour la partie libre de la nappe   sont les suivantes :
• Déséthylatrazine sur 21 points
• Déisopropylatrazine sur 12 points
• 2-hydroxyatrazine sur 9 points
• Simazine sur 8 points
• Atrazine sur 6 points
• Déséthylterbuthylazine sur 6 points
• Métolachlore sur 5 points

Liste des molécules dépassant la norme de qualité en 2011 pour le Crétacé sup.

Evolution des teneurs (µg/l) en simazine sur 2001-2011 pour le Crétacé sup. libre (26 points)


Evolution des teneurs (µg/l) en déisopropylatrazine sur 2001-2011 pour le Crétacé sup. libre (26 points)


Evolution des teneurs (µg/l) en atrazine sur 2001-2011 pour le Crétacé sup. libre (26 points)


Evolution des teneurs (µg/l) en déséthylatrazine sur 2001-2011 pour le Crétacé sup. libre (26 points)

Evolution des concentrations en phytosanitaires au point n°76 de Jarnac


Evolution des concentrations en phytosanitaires au point n°88 de Burie

Les autres aquifères  

Mises à parts quelques anomalies locales, les phytosanitiares n’ont pas été quantifiés en 2011 sur les points du réseau captant l’aquifère   captif de l’Infra-Toarcien ou les aquifères   du socle.

En ce qui concerne la nappe   alluviale de la Vienne, on a mesuré des concentrations supérieures à 0.1 µg/l en métolachlore sur le point n°115 3 fois sur les 4 analyses.

Enfin, aucun phytosanitaire n’a été quantifié sur le point 108 de la Plamyre (aquifère   dunaire).

La méthode de « la boite à moustache »

Dans le cadre de la DCE, l’objectif de l’atteinte du bon état qualitatif à l’échéance 2015 nécessite de caractériser le niveau de contamination des eaux souterraines mais également d’identifier les tendances d’évolution des concentrations en polluant. Pour identifier ces tendances, différentes méthodes statistiques peuvent être utilisées ; l’une des méthodes semblant la mieux appropriée est celle de la boîte à moustaches de Tukey (Box & Whiskers plot). Cette méthode a donc été utilisée afin d’analyser l’évolution des principales molécules dans les différentes nappes.
Les diagrammes à boîte et moustaches se présentent de la façon suivante :

Lecture de la boîte à moustaches

Cette méthode permet de représenter un ensemble de données sur un même diagramme à l’aide d’une échelle d’intervalles : le minimum, le 1er quartile, la médiane, la moyenne, le 3e quartile ainsi que les deux limites (les extrémités des « moustaches » - la longueur des « moustaches » vaut 1,5 fois l’écart interquartile) au-delà desquelles on peut considérer que les valeurs sont anormales.

Revenir en haut