Le modèle des nappes du Crétacé des Charentes

Le Sud des départements des Charentes est caractérisé par un empilement de formations sédimentaires du Crétacé supérieur, comprenant 3 voire 4 aquifères   d’importance régionale. Depuis 2002, le BRGM a entrepris, avec l’aide de ses partenaires que sont l’Agence de l’eau Adour-Garonne, la DREAL, la Région et le Conseil Général de la Charente, la mise au point d’un outil de gestion de ces aquifères   à travers un modèle hydrodynamique qui couvre la partie méridionale de la région Poitou-Charentes.

Sommaire de l’article :

Les principes d’une modélisation hydrodynamique

Le principe d’une modélisation consiste à reproduire numériquement une réalité complexe pour ensuite réaliser des simulations diverses (prévisions dans le temps…). C’est le cas pour les modèles météorologiques, de prévisions des crues, de circulations océaniques…et pour les modèles hydrogéologiques qui permettent de reproduire les écoulements souterrains à partir des équations générales qui les décrivent mathématiquement.
En hydrogéologie  , le principe de la modélisation consistera donc à résoudre numériquement les équations aux dérivées partielles de l’écoulement, sur un secteur étudié. Il s’agit de déterminer la charge hydraulique (variable inconnue) sur les éléments d’un maillage en fonction du temps et à partir de paramètres hydrodynamiques (perméabilité  , emmagasinement  ), de conditions aux limites et de conditions initiales.

Les méthodes numériques consistent en une discrétisation du domaine d’étude dans l’espace (maillage) et dans le temps pour les régimes transitoires.

Pour discrétiser l’espace, deux méthodes numériques sont essentiellement utilisées en modélisation hydrogéologique :

  • la méthode des éléments finis,
  • la méthode des différences finies.

C’est cette dernière méthode qui est utilisé dans le cadre de ce travail.
Dans le modèle présenté ici, le territoire est reproduit en trois dimensions en le découpant en éléments géométriques unitaires (= mailles). Dans chaque maille sont entrées des données sur la géométrie (topographie, profondeur d’une couche géologique), les caractéristiques hydrodynamiques (perméabilité   et emmagasinement  ), éventuellement les flux entrants (infiltration   de la pluie par exemple) ou sortant (prélèvements)… Les variables spatio-temporelles calculées par le modèle (niveaux des nappes  , débits des cours d’eau) sont comparées aux données observées sur le terrain. Pour reproduire au mieux cette réalité, des paramètres (particulièrement ceux hydrodynamiques) du modèle doivent être ajustés, c’est la phase de calage. Une fois le calage satisfaisant, le modèle peut être utilisé pour faire des simulations à partir de différents scénarios.

Les étapes d’une modélisation

Le modèle construit est un modèle régional destiné à la gestion de la ressource en eau, permettant :
• de reproduire le fonctionnement hydrogéologique des systèmes aquifères   et en particulier d’étudier les relations nappes  /rivières.
• de contribuer notamment à la gestion des prélèvements, en analysant :
- La disponibilité de la ressource en eau souterraine pour l’irrigation ;
- L’impact hivernal du remplissage de projets de retenues.

Une fois les éléments de la modélisation fixés :

  • extension du modèle,
  • nombre de couches,
  • taille des mailles,
  • pas de temps,
    la modélisation se déroule en plusieurs étapes :
    Les étapes d’une modélisation

a) Collecte des données

La construction d’un modèle hydrodynamique nécessite le recueil et la synthèse des données suivantes :

  • Géologie : les données géologiques permettent de déterminer la géométrie des couches à modéliser à partir de la connaissance des toits et des murs des niveaux aquifères   ou imperméables, issus de logs stratigraphiques, de l’analyse de diagraphies, de documents bibliographiques (thèses, rapports de bureaux d’études…),
  • Hydrogéologie   : caractéristiques hydrodynamiques de l’aquifère   (conductivité hydraulique, transmissivité, coefficient d’emmagasinement  , coefficient d’échange…), piézométrie   de la nappe   en période de basses et de hautes eaux, conditions aux limites (niveaux, flux…),
  • Hydrologie : réseau hydrographique   (caractérisé par sa géométrie - largeur, longueur et profondeur - débits, niveaux…),
  • Climatologie : la pluviométrie et l’évapotranspiration,
  • Prélèvements : pour l’alimentation en eau potable   (AEP  ), l’irrigation et autres (industrie, particuliers…).

b) La construction du modèle

Cette étape consiste à intégrer dans le logiciel de modélisation retenu les données qui vont permettre de construire les différentes « grilles » du modèle : géométrie, conditions aux limites, recharge  , propriétés hydrauliques…

c) Le calage du modèle

Le but du calage consiste à reproduire les niveaux piézométriques observés. Cette étape est réalisée en ajustant au mieux les paramètres hydrodynamiques de l’aquifère   (perméabilité  , emmagasinement  ) et dans le cas présent également les paramètres des cours d’eau (perméabilité   de colmatage des lits de rivières…).
Généralement le calage est réalisé en deux phases afin de sérier les difficultés.

  • 1re : Calage en régime permanent : dans ce cas, la nappe   est considérée comme stationnaire sur une certaine période de temps (les niveaux ne sont pas fonction du temps). Les valeurs de perméabilités définies dans cette étape sont ensuite utilisées comme champ de valeurs initial pour le régime transitoire.
  • 2e : Calage en régime transitoire : cette étape permet d’affiner le calage de l’ensemble des paramètres hydrodynamiques en restituant le plus précisément possible des chroniques piézométriques et/ou de débits de sources et de cours d’eau.

d) Les simulations

Une fois le modèle calé, les phases de simulations de différents scénarios peuvent débuter.

Le logiciel MARTHE utilisé pour la modélisation

Le code de calcul retenu dans le cadre de cette modélisation est MARTHE (Modélisation d’Aquifères   par un maillage Rectangulaire en régime Transitoire pour le calcul Hydrodynamique des Ecoulements). Ce code, développé par le BRGM, utilise la méthode des différences finies, et permet le calcul des écoulements de fluides et de transferts de masse et d’énergie en milieux poreux bidimensionnels (plan ou coupe verticale) et tridimensionnel [THIERY D. (2006)]. Les schémas peuvent être simples ou complexes (zone saturée   et/ou non saturée, écoulements multiphasiques, prise en compte de la densité du fluide, prise en compte de la végétation, interaction entre cours d’eau et nappes  , etc.) en régime permanent ou transitoire. Il permet aussi de simuler des drains souterrains.

Les différentes fonctionnalités et leur mise en œuvre sont décrites par THIERY D. (1990a et 1990b, 1993, 1994, 1995a et 1995b, 2004), THIERY D. et GOLAZ C. (2002), THIERY D. et al. (2002).
Le modèle tridimensionnel se présente sous la forme de grilles de calcul superposées avec un maillage parallélépipédique régulier ou irrégulier. Les cellules sont hydrauliquement connectées, le « motif de base » étant constitué par une cellule en relation avec les six mailles voisines (nord, sud, est, ouest, haut et bas). Dans chaque maille des valeurs sont entrées (cote des toits et des murs des couches, paramètres hydrodynamiques, conditions aux limites…) où sont calculées par le modèle (charge hydraulique).
L’interface graphique WinMarthe permet de préparer les données du code de calcul MARTHE. C’est donc un pré-processeur, puisqu’il peut être utilisé pour préparer, mettre en forme et contrôler les données numériques avant calculs. C’est également un post-processeur puisqu’il peut être utilisé, après la réalisation d’une simulation, pour visualiser les résultats obtenus sous forme de plages colorées, en plan ou en coupes verticales, ou sous forme d’isovaleurs. Il permet également l’exportation des résultats de calculs.

Extension et géométrie du modèle

Le modèle présente une superficie de 7921 km2 et comporte 8 couches qui sont, du haut vers le bas, les suivantes :

  • Formations superficielles,
  • Campanien 4,5 (aquifère  ),
  • Campanien 1, 2 ,3 et Santonien,
  • Coniacien (aquifère  ),
  • Turonien (aquifère  ),
  • Turonien Inférieur et Cénomanien Supérieur,
  • Cénomanien moyen et Inférieur (aquifère  ),
  • Cénomanien basal et Jurassique Supérieur.
Extension du modèle Crétacé des Charentes sur le fond géologique simplifié

Les sorties en limite du modèle

En « sortie » de modèle, des potentiels imposés ont été appliqués :

  • Sur les limites ouest et sud-ouest du modèle, qui correspondent au niveau imposé par l’Océan Atlantique et l’estuaire de la Gironde. Ces potentiels dont la valeur attribuée est égale à zéro se situent à quelques kilomètres de la ligne du littorale dans l’Atlantique et de la rive droite de la Gironde afin de réduire l’influence de ce potentiel constant sur la partie continentale du modèle hydrodynamique.
  • Sur la bordure sud du modèle régional, assez éloigné des zones d’intérêts et dans le département de la Gironde. En raison du peu de données existantes pour connaître les hauteurs d’eau des nappes   dans ces secteurs (peu de suivi piézométrique   sur les formations concernées dans ces zones), la solution retenue a été de recourir aux niveaux d’eau statiques asynchrones mesurés lors de la création de points d’eau bancarisés en BSS [Putot E. et Thinon-Larminach M. (2008)]. A partir de ces données, une moyenne spatiale calculée par une technique simple d’interpolation (pondération par l’inverse de la distance) permet d’obtenir une valeur moyenne de la hauteur d’eau au niveau des mailles de la bordure du modèle.

Cette valeur de charge imposée est appliquée à l’ensemble des aquifères   représentées sur ces limites.
Il existe, par ailleurs, des conditions internes qui correspondent ici :

Réseau hydrographique  

Dans l’hydrodynamique régionale, les échanges nappes  /rivières jouent un rôle important. Les nappes   sont en effet souvent en étroite relation avec les rivières, avec en particulier un rôle de soutien des débits d’étiage   des cours d’eau.
Le module « échanges nappes  /rivières » du logiciel Marthe, qui permet un couplage direct entre nappes   et cours d’eau, a été utilisé.
Outre l’introduction dans le modèle de la structure du réseau (arbre des affluents et sens d’écoulement), il faut attribuer à chaque maille traversée par un cours d’eau une valeur pour les paramètres suivants :

  • Longueur de la rivière au droit de la maille,
  • Largeur de la rivière : pour rentrer ce paramètre dans le modèle, la codification de la base de données IGN/BD CARTHAGE a été utilisée,
  • La cote moyenne du fond de rivière : en général cette cote a été calculée en considérant le minimum du MNT au pas de 50 mètres sur le tronçon de rivière correspondant à la maille. Toutefois, l’imprécision du MNT conduit à corriger les valeurs en s’appuyant sur les points cotés des cartes IGN 1/25 000.
  • La pente et le coefficient de Manning’s : considérés généralement comme paramètres de calage. Ils ont été évalués respectivement à 0,005 (5 m de dénivelé pour une distance horizontale de 1 000 m) et 0,02 sur l’ensemble du domaine.
  • L’épaisseur (0,1 mètre) et la perméabilité   de colmatage du lit de la rivière.

En ce qui concerne les cours d’eau pour lesquels le bassin   amont n’est pas dans le modèle (cas de la Boutonne, l’Antenne, la Charente, la Lizonne) les débits d’entrée dans le modèle ont été calculés à chaque pas de temps à partir de la station hydrométrique la plus proche de la limite du modèle (cf.tableau ci-dessous).

débits desChroniques de débits de rivières introduites à l’entrée du domaine modélisé


Rivières introduites dans le modèle du Crétacé

Calcul de la recharge   par les pluies

Principe de calcul de la recharge  

Dans le cadre de l’amélioration du modèle et de son recalage, la méthode consistant à calculer la recharge   des nappes   et le ruissellement à l’aide de l’Indice de Développement et de Persistance des Réseaux (IDPR) a été abandonnée au profit du calcul de bilans hydro-climatiques avec l’outil GARDENIA [Thiéry (2003)] intégré à MARTHE. Cette méthode, beaucoup plus souple, nécessite une fois les paramètres du module GARDENIA calés, d’intégrer seulement les données de pluies et ETP et de ne pas recalculer pas de temps par pas de temps une recharge   et un ruissellement.
L’utilisation du module GARDENIA nécessite l’intégration dans le modèle :

  • de différentes zones de données météorologiques (pluies et d’ETP) ;
  • de zones de sol sur lesquelles sont définis la Réserve Disponible pour l’Evapotranspiration (RDE) pour les premiers mètres du sol (équivalent à la RU) et des paramètres qui permettent la répartition entre écoulement rapide (ruissellement) et écoulement lent (percolation vers la nappe  ) : Temps de demi-PERColation (TPERC) et Niveau d’équilibre-RUIssellement-Percolation (NRUIP).

Le module GARDENIA se base sur le principe des modèles réservoirs (voir illustration ci-dessous) :

  • Un premier réservoir U (capacité de rétention du sol) modélise la partie supérieure du sol, sa hauteur maximale est fixée par la RDE. Il se vide ou se remplit suivant la pluie et l’ETP. L’alimentation du réservoir H sous-jacent est possible lorsque la capacité de rétention du sol est atteinte ;
  • Le second réservoir H modélise la zone non saturée   au-dessus du niveau de nappe  . Il est alimenté par le réservoir U et est vidangé par percolation dans le réservoir souterrain (aquifère  ) suivant une loi   exponentielle de constante de temps TPERC (ALIM aquifère   = H.dt/TPERC) et par ruissellement suivant le paramètre NRUIP.
    L’infiltration   doit donc être « calée » en ajustant les trois paramètres RDE, TPERC et NRUIP.
    Principe de calcul de la recharge

Stations météorologiques

Dix stations météorologiques couvrant le territoire modélisé sont utilisées dans le modèle.
Les données météorologiques ont été collectées au pas de temps décadaire (pour l’ETP) ou journalier (pour la pluie) et ce pour les 10 stations et les années 2000 à 2008.
En ce qui concerne les zones d’influence de pluies et d’ETP, elles ont été définies à l’aide de la méthode de polygonation de Thiessen (cf. illustration ci-dessous).

Zones de pluies et d’ETP

Zones de sol

Afin de ne pas perdre les différentes informations issues de la méthode de l’IDPR pour le calcul initial de la recharge  , les zones de sols ont été définies par analogie en croisant la carte d’IDPR aux zones de RU retenus dans le précédent modèle (Référentiel Régional Pédologique). 28 zones de sols ont ainsi été créées.

zone sol1


Zones de sol

Caractérisation des années climatiques

La gestion quantitative des ressources en eau du bassin   Adour-Garonne vise à restaurer, pendant la période d’étiage  , des débits dans les rivières qui permettent à la fois la satisfaction des usages économiques et le bon fonctionnement du milieu aquatique. Ces objectifs de débits (DOE : Débits d’Objectif d’Etiage   ) doivent être respectés 8 années sur 10.
Un traitement des données météorologiques a donc été réalisé afin de caractériser les années simulées dans le modèle. Habituellement, cette caractérisation est définie à partir de l’analyse des chroniques annuelles des stations hydrologiques. Cette approche n’apparaît pas pleinement satisfaisante car les débits observés dans les décennies récentes sont impactés par les prélèvements (difficulté d’avoir un état naturel non-influencé), et d’une manière plus générale, le débit est la résultante des phénomènes météorologiques et des impacts anthropiques sur le bassin   versant (en dehors des prélèvements, il peut y avoir des retenues d’eau et des lâchers).

Il apparaît donc plus judicieux d’essayer de caractériser l’année à partir des données climatiques. Pour ce faire, une analyse statistique des périodes de retour a été réalisée sur plusieurs paramètres climatiques (pluie, pluie efficace et pluie d’été) afin de déterminer les valeurs de période de retour pour la quinquennale sèche et humide ainsi que la décennale sèche et humide. Cette analyse a été réalisée en utilisant deux lois probabilistes, les lois de Gumbel et de Weibull couramment utilisés en hydrologie pour la détermination d’apparition d’événements « extrêmes ». L’analyse statistique a été réalisée sur les données de la station de Cognac sur 37 années (1972 à 2008).

Périodes de retour et hauteur des précipitations sur la période 1972-2008

L’analyse des précipitations annuelles (années calendaires) (cf. illustration ci-dessus) montre que pour une période de retour d’une année quinquennale sèche (sur les 37 échantillons) la hauteur d’eau tombée est de l’ordre de 640 mm. Sur l’Illustration, les différentes périodes de retour sont indiquées avec les années classées en abscisse et la hauteur d’eau en ordonnée. Ce graphique montre que la période de retour de la quinquennale sèche pour la pluie correspond aux années 1973, 2003 et 1987. L’année 2005 est une année au-delà de la décennale sèche. L’année 2001 est quant à elle au-dessus d’une année quinquennale décennale humide.

Afin de caractériser les années, une autre approche a été utilisée en construisant des graphes présentant la pluie d’été en abscisse et en ordonnée la pluie efficace. Les périodes de retour pour la pluie efficace et la pluie d’été sont également indiqués sur le graphe. Ce mode de représentation permet de tenir compte à la fois de l’importance de la recharge   hivernale et de la demande en eau estivale.
On retrouve les résultats de la première méthode : l’année 2005 se caractérise par une sècheresse exceptionnelle à contrario de 2001 qui a été exceptionnellement humide, 2003 est l’année est caractéristique d’une année quinquennale sèche, 2006 (voire aussi 2004) apparaît comme une année moyenne. A titre de comparaison, le même type de graphique a été réalisé à l’aide des données des stations de Saint-Agnan, qui permet de caractériser le littoral, et de St-Martial-Viveyrol qui caractérise l’est de la zone modélisée.

Caractérisation des années climatiques à partir des données de la station météorologique de Cognac

Prélèvements

Prélèvements souterrains

Les données prélèvement   (plus de 1900 points dans le modèle) concernent l’Alimentation en Eau Potable   (AEP  ), l’irrigation et l’industrie. Ces données proviennent de la DDT16 la DDTM 17 et de l’Agence de l’Eau Adour-Garonne (AEAG).
Un travail de géo-référencement important a dû être réalisé (principalement pour les données agricoles). Ce travail a consisté en l’attribution d’un numéro de la Banque de données du Sous-Sol (N° BSS) lorsque cela était possible. Dans le cas contraire, une localisation à la parcelle, au lieu-dit ou à la commune, a été réalisée en fonction des informations disponibles.

Concernant les prélèvements A.E.P et industriels, les données de l’AEAG ont été utilisées : volume total annuel et volume prélevé au cours de la période d’étiage   - juillet-octobre. A défaut d’avoir une meilleure connaissance sur la ventilation des prélèvements, les données ont été réparties en divisant le volume considéré sur le nombre de mois des différentes périodes pour constituer des chroniques mensuelles.

Pour les prélèvements agricoles, les données fournies sont très hétérogènes selon l’origine :

  • DDT 16 : relevé effectué le 1er avril, le 10 juin et le 30 septembre. La ventilation a été réalisée en fonction des données du département 17 en partant de l’hypothèse que les périodes d’irrigation étaient sensiblement les mêmes d’un département à l’autre. Par ailleurs, les bases de données souterraines de la DDT 16 sont très peu fournies pour ce département : environ 270 ouvrages au total (fichiers « eaux souterraines   », « Turonien » et « Karst   de la Rochefoucauld »), de nombreux ouvrages souterrains étant considérés comme prélèvements en eau de surface.
  • DDTM 17 : depuis 2005 relevé effectué début avril, puis par quinzaine de juin à septembre.
  • AEAG : volume annuel + volume de juillet à octobre. Ces informations sont rapportées en général à des compteurs (localisation par l’adresse du propriétaire) et non aux forages.

Les volumes globaux intégrés par année et par type de prélèvements sont indiqués dans le graphe de l’Illustration ci-dessous.

Prélèvements souterrains intégrés dans le modèle

Prélèvements dans les cours d’eau

Les prélèvements en rivières ont été intégrés à partir des données fournies par l’Agence de l’Eau. N’ayant que la connaissance de la commune de prélèvements (absence de coordonnées exactes), ces prélèvements ont été globalisés sur la maille correspondant à la commune et au cours d’eau modélisés. La ventilation des données a été réalisée à partir de celle effectuée sur les données de prélèvements souterrains (département de la Charente-Maritime pris en référence). Les volumes globaux par année et par type de prélèvements sont indiqués dans le graphe ci-dessous.

Prélèvements de surface intégrés dans le modèle

Cartographie des points de prélèvement introduits dans le modèle

Le calage du modèle

Dans un premier temps, un calage en régime « pseudo-permanent » a été effectué. Dans le système multicouche modélisé, le régime permanent est peu réaliste ; cette étape a donc été réalisée par le biais d’un régime « pseudo-permanent » qui correspond ici à un état pseudo-stationnaire ou « virtuel » de la nappe   (régime moyen annuel). Ce modèle pseudo-permanent a permis d’établir une ébauche de la distribution des paramètres de perméabilité  .

Dans un second temps, les valeurs de perméabilité   et du coefficient d’emmagasinement   des aquifères   et épontes ainsi que des perméabilités de colmatage des cours d’eau ont été affinées en régime transitoire.

Le calage du paramètre de diffusivité (rapport de la perméabilité   à l’emmagasinement   spécifique) a été réalisé en s’appuyant sur les valeurs ponctuelles de perméabilité   et de coefficient d’emmagasinement   spécifique issues d’essais de pompage.
Les données piézométriques qui ont servi au calage (comparaison de chroniques réelles avec les chroniques calculées par le modèle) sont principalement issues du réseau de suivi quantitatif des eaux souterraines   de la région Poitou-Charentes (22 points au total). Au Sud d’Angoulême le calage a également été réalisé à partir des relevés fournis par les irrigants du Turonien.

Modèle et piézomètres ayant servi pour le calage

Quelques résultats

Le modèle permet de mieux comprendre le fonctionnement hydrogéologique et à simuler l’impact de scénarios. Quelques exemples sont donnés ci-dessous pris dans le rapport RP61056FR.

  • Reconstitution des piézométries mois par mois pour les principaux aquifères  ,
Piézométrie de la nappe du Turonien reconstituée par le modèle (octobre 2001)

Piézométrie de la nappe du Cénomanien reconstituée par le modèle (octobre 2008)
  • Reconstitution des débits des cours d’eau
Reconstitution des débits des cours d’eau pour septembre 2003
  • Bilan par bassin   versant : le modèle restitue des bilans globaux par bassin   versant, en particulier sur les échanges nappe  /rivières
Carte de synthèse du bassin du Né
  • Impact des prélèvements sur les débits des rivières : le modèle permet de tester des scénarios de réduction des prélèvements (ci-dessous pour les prélèvements agricoles)
Impact des prélèvements agricoles sur les débits de la Seugne

Impact des prélèvements sur le débit de l’Arnoult
  • Impact du changement climatique : plusieurs scénarios venant des données du GIEC ont été testés dans le modèle. Le graphe ci-dessous compare les débits moyens de la Seugne restitués par le modèle avec 2 scénarios de réchauffement climatique avec la moyenne de référence de l’époque actuelle (SAFRAN).
Comparaison des débits moyens pour 2 scénarios de réchauffement (2046-2065) avec la moyenne de référence actuelle (SAFRAN, 1961-1990)

Synthèse

D’une manière générale, le modèle vient corroborer les résultats des études précédentes (notamment celle réalisée avec le logiciel TEMPO). En donnant l’impact mois par mois des prélèvements en nappe   (et en rivière) sur le débit des principaux cours d’eau et en permettant d’apprécier les degrés d’inertie des hydrosystèmes (de la pluie à la rivière via la nappe  ), il fournit les éléments pour estimer la disponibilité de la ressource. Celle-ci est bien évidemment fonction des objectifs que l’on se fixe, notamment objectif de débit à respecter quatre années sur cinq. Dans cette optique, les analyses réalisées dans ce travail à partir des données climatologiques conduisent à proposer l’année 2003 comme caractéristique d’une année quinquennale sèche.
Par zone ou par bassin   versant, les principaux apports (ou confirmation) de ce travail peuvent être résumés comme suit :

Angoumois rive gauche

Dans ce secteur en rive gauche de la Charente, les nombreux cours d’eau, à bassin   versant « peu étendu » et relativement « pentu », sont alimentés en particulier par des sources sortant de l’aquifère   du Turonien-Coniacien et ont un débit d’étiage   soutenu. Si l’on prend l’exemple de la Boëme, ce cours d’eau apporterait de l’ordre de 300 l/s au débit d’étiage   de la Charente dont environ 1/5 de ce débit amené par la seule source   de Mouthiers (Forges). Au total, le modèle permet d’estimer à 1 m3/s l’ordre de grandeur de ces apports souterrains de cette zone de l’Angoumois au débit d’étiage   de la Charente. Bien que non négligeable, l’impact des prélèvements agricoles reste modéré compte tenu de ces quantités d’eau. On peut estimer ces impacts à 10-20 % des débits d’étiage   en fonction des cours d’eau. Mais cet impact globalement modéré n’exclut pas des incidences locales (assèchement d’une source   par exemple).

Bassin   versant du Né

Ce cours d’eau présente des déficits en eau chronique avec des débits d’étiages à l’aval presque nul (cf. étude « TEMPO » [Bichot F. et al. (2008)]). Le modèle reproduit le caractère déficitaire de ce bassin   avec, selon la piézométrie   de la nappe   du Turonien, des écoulements souterrains qui rejoignent soit les sources de la zone précédente, soit le bassin   versant voisin de la Seugne. Dans ce contexte, et malgré les faibles débits du Né, l’impact de l’irrigation resterait faible, moins de 10 % des débits d’étiage  .

Bassin   versant de la Seugne

Contrairement au bassin   du Né (et de la Tude), la Seugne reçoit d’importantes quantités d’eau des nappes   du Cénomanien et du Turonien-Coniacien. Une partie des eaux souterraines   des bassins déficitaires voisins se retrouve dans ce bassin   versant. Avec une superficie plus importante de l’ordre d’un tiers par rapport au bassin   du Né, le débit aval d’étiage   de la Seugne en année sèche est d’environ 1 m3/s. Dans ce contexte, l’impact des prélèvements agricoles, dans l’absolu relativement important (de l’ordre de 200 l/s) est par rapport au débit d’étiage   de la Seugne assez modéré (autour de 20 % du débit). Rappelons que le débit quinquennal sec, hors prélèvement   agricole a été estimé, à 1,3 m3/s dans l’étude « TEMPO », ce qui est cohérent avec les résultats du modèle maillé.

Charente aval rive droite

Cette zone rappelle l’Angoumois avec des cours d’eau à bassins versants courts, principalement alimentés par les nappes   (surtout le Cénomanien). Les apports seraient de l’ordre de 800 l/s au débit d’étiage   de la Charente.
Bassin   versant de l’Arnoult
Ce petit bassin   versant est principalement alimenté en été par les apports des nappes   (Cénomanien et surtout Turonien-Coniacien). L’impact des prélèvements est là très important, de l’ordre de 250 l/s sur le débit d’étiage   aval de l’Arnoult pour l’irrigation et de 100 l/s pour l’AEP  . Selon le modèle, ces prélèvements feraient passer le débit d’étiage   aval de l’Arnoult en année sèche d’environ 400 l/s à quelques dizaines de litre par seconde. De plus, cette situation estivale masque un impact des prélèvements qui est en fait maximal en hiver dans l’absolu du fait de l’inertie des nappes  .

Bassin   versant de la Seudre

Le modèle reproduit bien la complexité de ce bassin   versant avec une partie amont déconnectée en été de sa partie aval, avec des eaux (souterraines et superficielles) qui rejoignent l’Estuaire de la Gironde. Situé à l’amont de la partie aval de la Seudre, les débits enregistrés sur la station de St André de Lidon sont assez bien reproduits par le modèle. En année sèche, sans irrigation, les débits à cette station devraient pouvoir être de l’ordre de 100 l/s du fait des apports importants de la nappe   du Cénomanien dans ce secteur. L’impact de l’irrigation sur les débits d’étiage   est estimé à 50 l/s (100 l/s en hiver du fait de l’inertie des nappes  ), ce qui est conséquent comparé à la valeur des débits de la Seudre. A l’aval du bassin   versant, les débits d’étiage   sont estimés à 1 m3/s (apports du littoral).

Bassin   versant de La Tude

Ce bassin   (et ce cours d’eau) est très similaire à celui du Né d’un point de vue géologique comme hydrogéologique. Les débits d’étiage   à la station de Médillac donnés par le modèle sont de l’ordre de 100 l/s (équivalents aux débits mesurés). L’impact de l’irrigation reste faible sur ces débits (inférieur à 10 % en moyenne), chiffré à 10-20 l/s en fonction des années. Rappelons que le travail précédent avec le logiciel « TEMPO » donnait un QMNAS pseudo-naturel (hors irrigation) de 135 l/s. Là encore les différentes approches sont cohérentes.

Bassin   versant du Lary

Selon le modèle, les débits aval d’étiage   du Lary varient de 50 à 150 l/s. L’impact des prélèvements serait faible, moins de 10 % de ces débits d’étiage  . Dans ce bassin   versant les quantités prélevées en nappe   dont relativement peu importantes.

Nappes   profondes

Dans une précédente étude ([Bichot F. et al. (2008)]), le BRGM proposait d’identifier en Sud Charentes une zone où les nappes   du Turonien-Coniacien et Cénomanien pourraient être considérées comme profondes et déconnectées des cours d’eau en surface. Cette zone a été délimitée ([Bichot F. et al. (2008)]), et globalement, les prélèvements pour l’agriculture sont peu importants ou n’impactent pas significativement la piézométrie   des nappes  . Trois secteurs se distinguent toutefois :

  • Nappe   captive du Turonien-Coniacien au sud d’Angoulême (hauts bassins du Né et de la Tude) où l’impact des prélèvements agricoles est significatif en période estivale mais n’implique pas d‘évolution à la baisse de la piézométrie   sur plusieurs années.
  • Les secteurs de Saintes et Jonzac où les prélèvements peuvent avoir localement des impacts de plusieurs mètres, y compris en hiver, sur le niveau des nappes   profondes. Dans ces deux secteurs il peut se poser le problème de conflits d’usage avec l’AEP  .
    Enfin, il est à noter que certaines zones pourraient présenter des potentialités d’exploitation des nappes   profondes pour l’eau potable. On peut en particulier identifier le secteur au nord du cours d’eau du Né.
Tableau de synthèse de l’impact des prélèvements

En ce qui concerne l’impact du réchauffement climatique testé avec le modèle à travers divers scénarios, les résultats des simulations sont très contrastés avec des impacts modérés, proche de la situation actuelle, pour le scénario « optimiste », et des impacts négatifs importants pour le scénario « pessimiste ». Il semble toutefois que les scénarios convergent pour prévoir des périodes d’étiage   plus longues (et plus sévères), plus précoces au printemps et plus tardives à l’automne. Les crues de rivière pourraient être plus importantes et préférentiellement axées sur les mois de Janvier/Février.

Revenir en haut