Le risque inondation par remontée de nappe

Lorsqu’une pluie d’intensité moyenne tombe sur un territoire où les nappes   souterraines sont saturées, celle-ci peut engendrer des phénomènes d’inondation plus catastrophiques qu’une pluie forte sur des nappes   basses. C’est ce qui s’est passé pour les inondations de la Somme il y a quelques années. L’étude du bassin   du Clain montre l’intérêt de prendre en compte les niveaux des nappes   dans la prévision des phénomènes d’inondation à Poitiers.

Sommaire de l’article :

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Le phénomène de remontée de nappe  

Lorsque des éléments pluvieux exceptionnels surviennent, dans une période où la nappe   est d’ores et déjà en situation de hautes eaux, une recharge   exceptionnelle s’ajoute à un niveau piézométrique   déjà élevé. Le niveau de la nappe   peut alors atteindre la surface du sol. La zone non saturée   est alors totalement envahie par l’eau lors de la montée du niveau de la nappe   : c’est l’inondation par remontée de nappe  .

Le phénomène de remontée de nappe

On conçoit que plus la zone non saturée   est mince, plus l’apparition d’un tel phénomène est probable.

Une cartographie des zones sensibles est accessible sur un site internet dédié aux phénomènes de remontée de nappe   :

Carte des zones potentielles d’inondations par remontée de nappe intégrant l’élimination des zones à forte pente et les masques des secteurs considérés imperméables (marron) et des EAIPce et EAIPsm (bleu) © BRGM
https://www.georisques.gouv.fr/arti…

Avertissement : cette cartographie n’est valable qu’à l’échelle d’un département compte-tenu de la maille de travail et est étroitement dépendante de la connaissance d’un certain nombre de données de base, dont :

  • la valeur du niveau moyen de la nappe  , qui soit à la fois mesuré par rapport à un niveau de référence (altimétrie) et géoréférencé (en longitude et latitude) ;
  • une appréciation correcte (par mesure) du battement annuel de la nappe   dont la mesure statistique faite durant l’étude devra être confirmée par l’observation de terrain ;
  • la présence d’un nombre suffisant de points au sein d’un secteur hydrogéologique homogène, pour que la valeur du niveau de la nappe   puisse être considérée comme représentative.

Exemple du bassin   du Clain

Pour le compte de l’unité Hydrométrie et Prévision des Crues de la DDT de la Vienne, le BRGM vient de réaliser une analyse de l’impact de l’état des nappes   dans les crues du bassin   du Clain (rapport RP62051FR). Ce travail, dont nous présentons ci-dessous les principales conclusions, montre l’intérêt de prendre en compte le niveau des nappes   dans la prévision des inondations.

Le bassin   versant du Clain se caractérise principalement par l’existence de plateaux calcaires du Jurassique karstique   entaillé par un réseau hydrographique   dont la faible densité souligne l’importance des circulations souterraines. Dans les conduits karstiques  , les circulations d’eau peuvent être rapides et la contribution des nappes   peut venir gonfler des phénomènes de crues et d’inondation à l’aval du bassin  , en particulier à Poitiers. C’est une des préoccupations du service de prévision des crues Vienne-Thouet qui souhaiterait intégrer des indicateurs en nappe   pour l’anticipation des crues. En effet, ce service est parfois amené à lancer des alertes, à partir d’abaques croisant une pluie annoncée avec le débit du Clain à Poitiers, qui ne sont pas toujours suivies d’une crue de la rivière.

Le Clain et bon nombre de ses affluents (Auxance, Boivre, Vonne, Clouère) prennent leur source   sur des terrains de socle (granites, schistes…) peu perméables, sans réelle nappe   souterraine, et donc propice aux ruissellements superficiels comme en témoigne des réseaux hydrographiques denses sur ces zones. En période de crue, les eaux de pluie rejoignent donc là rapidement le Clain. Inversement en période d’étiage  , n’ayant pas d’apports de nappe  , les cours d’eau s’assèchent rapidement. Ce régime impact surtout un affluent comme la Vonne dont pratiquement la moitié du bassin   versant est concerné par des terrains de socle.
Le reste du bassin   versant à l’amont de Poitiers correspond principalement à des plateaux à réseaux karstiques   profondément entaillés par les rivières. En période pluvieuse la nappe   des calcaires du Dogger se gonfle par infiltration   des eaux de pluie. Il n’est pas rare que les vallées sèches soient réactivées temporairement, la nappe   pouvant déborder dans ces points bas. Ces eaux souterraines   rejoignent les rivières mais avec un effet retard plus ou moins important. Toutefois, dans les conduits karstiques   principaux (rivières souterraines) les transits peuvent se faire aussi vite que dans le réseau hydrographique   superficiel.
Enfin, le Clain et ses affluents circulent souvent sur les formations marneuses (imperméables) du Toarcien et de l’Aalénien, situées à la base des calcaires du Dogger. Dans ces zones, les nombreuses failles peuvent permettre des échanges avec la nappe   captive de l’Infra-Toarcien.
Les différentes modélisations réalisées dans le cadre de ce travail, avec les logiciels TEMPO (basé sur l’analyse des corrélations entre les chroniques pluie, piézométrie  , débit) et GARDENIA (modèle globaux basé sur des bilans de réservoir), conduisent aux mêmes conclusions : au cours d’un épisode de crue, l’apport des nappes   au débit des rivières est faibles, de l’ordre de 5 à 10 %, du moins en ce qui concerne les transits « lents » par les nappes   du Dogger et de l’Infra-Toarcien. Cette dernière, en général captive, a une contribution très faible, fort logiquement, de quelques pourcents.

Mais il ne faut pas considérer l’importance de l’incidence des nappes   sur une crue au regard de ces chiffres. D’une part, en fonction de l’état de remplissage de la nappe  , des réseaux karstiques   peuvent être réactivés avec des circulations rapides vers les vallées, comme nous l’avons déjà souligné. D’autre part, si la nappe   est « pleine » et ne peut plus assimiler d’eau de pluie, elle peut déborder dans des vallées habituellement sèches, nous l’avons vu, et/ou favoriser les ruissellements superficiels, l’infiltration   ne pouvant se faire.

D’une manière générale, les modélisations TEMPO et GARDENIA permettent de bien reproduire les débits des rivières dans les sous-bassins du Clain, mais pas les débits du Clain à Poitiers qui sont intégrateurs de tous les phénomènes du bassin   versant. Aussi, le logiciel EROS a été utilisé pour réaliser une modélisation de tout le bassin  , jusqu’à Poitiers.

Schéma synoptique de la modélisation du bassin du Clain avec EROS

Le calage de ce nouveau modèle sur les chroniques observées est très satisfaisant. EROS permet de reproduire avec une bonne fiabilité les phénomènes de crue. Les résultats de cette modélisation sont aussi cohérents avec les résultats obtenus à partir des autres modèles.
EROS a été utilisé pour réaliser des simulations en faisant pleuvoir à des dates données et selon des intensités données sur des chroniques observées.

Représentation des 3 scénarios simulés avec EROS
Les scénarios ont consisté à faire pleuvoir avec des intensités différentes (20, 40, 60, 80, 100 mm) à 3 dates données des années 2006 et 2007 et à observer les résultats sur les chroniques de débit à Pont-St-Cyprien

Les jeux de simulations permettent de venir conforter les seuils d’alerte proposés sur les piézomètres (tableau ci-dessous). Dans un premier temps, ces seuils pourraient être mis à l’épreuve de la gestion des crues, en modulant les alertes.

Valeurs seuils des débits et niveaux piézométriques sur les bassins versants étudiés

Il est apparu au cours de ce travail que le bassin   du Clain, avec ses sous-bassins qui disposent presque tous de chroniques de débit à l’aval, est favorable à une modélisation avec EROS. Le modèle mis au point reproduit bien les chroniques observées. La réalisation de nombreuses simulations permettraient d’affiner cette approche sur les seuils en nappe   et d’aboutir à disposer d’abaque de gestion non plus binaire (pluie/débit du Clain) comme actuellement, mais ternaire (pluie/débit/niveau de nappe  ).

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