Le Projet « Modélisation du Bassin des captages du Vivier » à Niort en Deux-Sèvres

Ce projet de modélisation quantitative et qualitative des prélèvements en nappe   et des transferts d’intrants (Nitrates  ) sur le bassin   d’alimentation des sources du Vivier a été finalisé à la fin de l’année 2016 et a été présenté lors du colloque Eurokarst 2018 qui s’est tenu à Besançon (France) en Juillet 2018.
Ce projet a été financé par le Syndicat des Eaux du Vivier, l’Agence de l’eau Loire-Bretagne et le BRGM.

L’aire d’alimentation de captages du Vivier, un bassin   en équilibre fragile

Le Syndicat des Eaux du Vivier (SEV) est un établissement public à vocation unique assurant la production, le traitement, la distribution et le contrôle de la qualité de l’eau potable pour la ville de Niort (79). Cet approvisionnement en eau potable est assuré principalement par la résurgence   karstique   du Vivier, point classé Grenelle et captage   prioritaire depuis 2013.

Carte de situation du BAC du Vivier

La ressource subit une pression agricole, visible depuis les années 1990 au travers de l’augmentation des concentrations en nitrates  , ces dernières dépassant régulièrement la norme de potabilité de 50 mg/L. La circulation des polluants est favorisée par le système karstique   en place : les eaux superficielles peuvent s’infiltrer dans le sol et rejoindre les eaux souterraines   en de nombreux points du bassin   : gouffres, pertes dans le lit du cours d’eau, dolines etc. Le bassin   étant très agricole, les fertilisants ou les phytosanitaires s’infiltrent rapidement vers les eaux souterraines   et vers la source   du Vivier.

Un programme Re-Sources est en place pour la reconquête de la qualité de la ressource. Ce programme, mis en place par l’ex-région Poitou-Charentes, vise à faire baisser les concentrations dans les points de prélèvements pour l’eau potable en impliquant les acteurs du territoire dans des actions volontaires.

Schéma d’un système karstique (source : SIGES Poitou-Charentes)

La ressource en eau du bassin   est très sollicitée pour l’alimentation en eau potable   de la ville de Niort et pour l’irrigation des parcelles. En été, lorsque les niveaux des eaux souterraines   sont bas, la compétition peut être forte entre ces deux usages de l’eau. Le SEV est particulièrement vigilant à cette période : le karst   est très vulnérable aux risques d’effondrement liés à une baisse de pression dans les conduits karstiques   et l’écoulement pourrait être interrompu, privant la ville de sa principale ressource en eau, comme en 1991 ou 1996.

Comprendre et reproduire l’hydrogéologie   du bassin   du Vivier

Dans un premier temps, une analyse des données des disponibles sur le bassin   du Vivier a été réalisée. Se basant sur des études précédentes ou sur de nouvelles données, elle permet d’inventorier les données existantes, de les hiérarchiser et de les analyser afin de mieux comprendre le fonctionnement de l’hydrosystème et de préparer la modélisation.
Une campagne de mesures réalisée en 2009-2010 a permis d’analyser la signature chimique des sources du bassin   de la Sèvre Niortaise. Elle donne les caractéristiques de chaque source   et fait des hypothèses sur l’origine des eaux souterraines   : couche géologique aquifère   traversée, temps de résidence.
Elle dresse un portrait complexe du fonctionnement du bassin   de la Sèvre Niortaise, et en première analyse indique une origine double des eaux de la source   du Vivier : en basses eaux, les eaux proviennent principalement de la couche géologique de l’InfraToarcien, la plus profonde. En hautes eaux, un mélange des eaux de l’InfraToarcien et de l’aquifère   sus-jacent, celui du Dogger alimente la source  .

Sources échantillonées lors de la campagne de mesures

À partir de cette compréhension du fonctionnement des nappes   et des cours d’eau, une représentation numérique du bassin   du Vivier peut être construite. Elle servira à faire des simulations.
La modélisation hydrogéologique du bassin   d’alimentation de captages du Vivier est réalisée à partir du modèle des aquifères   du Jurassique en Poitou-Charentes, réalisé par le BRGM. Pour le bassin   du Vivier, le territoire est divisé en mailles de 250 mètres de côté. Le modèle reproduit la période 2000-2011, fournit un résultat hebdomadaire sur les mois de mai à août et mensuel pour le reste de l’année. Il intègre des données agricoles moyennes pour représenter les nitrates   présents dans les sols. Ces nitrates   sont ensuite redirigés vers le cours d’eau le plus proche ou dans les eaux souterraines  .
Ce modèle s’attache à représenter une géologie simplifiée du bassin  , incluant les niveaux géologiques aquifères   et les imperméables, et à reproduire le mieux possible les mesures de piézométrie  , de débit à la source   du Vivier et dans les cours d’eau et de concentration en nitrates   mesurées sur le bassin  .

Résultats de modélisation sur les concentrations en nitrates à la source du Vivier

Un système hydrogéologique à deux vitesses

La modélisation, combinée aux analyses issues des campagnes de mesures terrain, permet de mieux appréhender le fonctionnement de l’hydrosystème du Vivier.
La source   fonctionne selon deux systèmes d’alimentation :

  • un cycle rapide, lors duquel les eaux météoriques passent rapidement dans le système karstique   et arrivent à la source   du Vivier sous moins d’un an, et
  • un cycle lent pluriannuel constitué de la percolation lente de la pluie efficace dans les terrains sains et de la migration des eaux souterraines   dans la nappe   contenues dans les roches en dehors des circuits karstiques  .
    Ce double système explique les variations importantes de concentrations en nitrates   retrouvées à la source   du Vivier.
    La réactivité du mode « rapide » implique une grande sensibilité des concentrations à la météo : En hiver les pluies emportent les nitrates   et font augmenter les concentrations à la source   du Vivier ; en été les nitrates   sont stockés dans le sol par manque d’infiltration   d’eau dans le sol. De la même manière, une année particulièrement pluvieuse verra une concentration plus élevée dans les eaux souterraines   qu’une année sèche.
    L’inertie due au mode « lent » joue un grand rôle dans le temps de réaction du système à long terme, et traduit les tendances interannuelles à la hausse ou à la baisse des concentrations en nitrates  .
Évolution des concentrations en nitrates sur les puits du champ captant (Attention, les fréquences échantillonnage sont différentes pour chaque courbe.)

Des simulations pour évaluer les réactions du bassin  

Une source   influencée par les prélèvements sur le bassin  

Des simulations simples sont réalisées pour mieux cerner les impacts des différentes pressions sur la ressource. Elles montrent la sensibilité du système karstique   du point de vue de l’hydrodynamique : toute modification des prélèvements pour l’irrigation dans le bassin   implique un effet rapide et sensible sur le débit de la source   du Vivier.

Résultats de la simulation « effet des prélèvements agricoles » sur le débit à la source du Vivier. Comparaison des gains en % par rapport au débit initial pour trois simulations : baisse de 25% des prélèvements pour l’irrigation, baisse de 50% ou arrêt des prélèvements pour l’irrigation

Des projets de retenues de substitution affectant la source   du Vivier
Des simulations simplifiées des projets de création de retenues de substitution sont réalisées. Elles indiquent une diminution du débit de la source   en hiver, lorsque des prélèvements sont réalisés pour remplir les réserves. On observe également des gains de débit à la source   du Vivier en été, lorsque certains prélèvements pour l’irrigation dont arrêtés.

Simulation des retenues : comparaison par rapport au débit initial

Une réactivité des nitrates   aux pressions agricoles sur plusieurs années
Les scénarios simplifiés de modification des pressions nitrates   indiquent un temps de réaction du système relativement lent, de l’ordre d’une dizaine d’années, du fait du cycle pluriannuel de fonctionnement de l’hydrosystème : une réaction est immédiatement observée, mais la stabilisation du système n’intervient qu’au bout de dix à quinze ans.

Concentrations en nitrates simulées à la source du Vivier pour la simulation « effet d’une réduction du bilan azoté sous-racinaire » : comparaison des concentrations des différents scénarios : Continuité des pratiques agricoles, baisse de 20% des intrants azotés, baisse de 35 % des intrants et arrêt de l’exploitation agricole (« herbe »)

Des pollutions ponctuelles pouvant toucher la qualité de la source   du Vivier
L’outil est utilisé pour faire des simulations de pollution ponctuelle sur le Lambon : un polluant est injecté dans une maille du modèle représentant un tronçon du Lambon, et le modèle simule le déplacement de ce polluant dans le temps et dans l’espace. Il s’agit d’une approximation du temps dont dispose le SEV pour réagir en cas d’accident afin d’activer les ressources de secours pour l’alimentation en eau potable   de Niort.

Panache de pollution (t = 1 mois) dans le cas d’une contamination accidentelle de l’Infra-Toarcien en hautes eaux. Le panache de pollution atteint les captages et affecte la qualité du Lambon

Un changement climatique accentuant les événements extrêmes
Les effets du changement climatique peuvent être simulés à l’aide du modèle. Les résultats du GIEC (2001) concernant les prévisions de changement des précipitations et de l’évapotranspiration sont entrés dans l’outil pour les années 2050 à 2070. D’après cette projection, le débit à la source   du Vivier serait relativement constant par rapport à la période actuelle. Les années de sécheresse sévères prévues dans la projection Arpège B2 provoqueraient cependant une coupure de l’alimentation de la source   du Vivier, ce qui traduit des étiages plus sévères que celui de 2005, que le modèle restituait comme une période de très basses eaux mais sans tarissement de la source  .

Chroniques de débit simulées à la source du Vivier pour la projection Arpège-B2 2050-2070. Les droites vertes et rouges représentent les maxima et minima enregistrés sur l’année 2000-2003, année météorologique moyenne de référence pour cette simulation

Des travaux à poursuivre

Un second projet est envisagé à compter de 2019. Le programme de travail est en cours de réflexion entre le SEV, AgroParisTech, l’Agence de l’eau Loire-Bretagne et le BRGM.
Le projet a pour objectif de représenter plus précisément les pratiques agricoles du bassin   à l’aide du nouvel outil « MONICA » développé par le BRGM : la meilleure prise en compte des pratiques permettra de réaliser un plus large spectre de simulations, et plus précises.

Afin de répondre aux exigences de la Directive   Cadre sur l’Eau et de la Directive   Nitrates  , le modèle amélioré pourrait par exemple :

  • Identifier les secteurs du bassin   les plus sensibles à l’infiltration   des nitrates   dans les eaux souterraines  
  • Évaluer l’impact du climat (précipitations, sécheresse) sur les concentrations en nitrates   à la source  
  • Évaluer les conséquences sur la concentration en nitrates   à la source   du Vivier des modifications de pratiques agricoles prévues par le programme Re-Sources et les comparer à un scénario « laisser-faire », ou encore celles des pratiques recommandées par d’autres programmes d’action
  • Évaluer l’effet de modification de pratiques agricoles liées au changement climatique ou à la mise en place de retenues de substitution
  • Mettre en place une utilisation annuelle du modèle afin de confirmer ou de corriger les actions entreprises l’année précédente
  • Et enfin construire un plan d’action pour la reconquête durable de la qualité à la source   du Vivier.
  • Ce projet fera de l’outil un modèle pilote régional de l’aide à la décision sur la thématique de reconquête de la qualité de l’eau.

Vous pouvez retrouver

  • le résumé de la communication présentée au colloque Eurokarst 2018 ici

  • le rapport final du projet en téléchargement sur le site infoterre ou ici

Pour en savoir plus…

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