Le modèle des nappes du Jurassique

Depuis 2002 le BRGM a développé un modèle hydrodynamique de gestion des aquifères   du Jurassique qui couvre une grande partie de la région Poitou-Charentes, de part et d’autre du seuil du Poitou. Ce modèle est pleinnement opérationnel et a contribué à mieux comprendre le fonctionnement de l’hydrosystème et à améliorer les politiques de gestion.
La carte ci-dessous permet d’accéder aux données (géométrie, perméabilité  , prélèvements) de chaque maille du modèle.

Aperçu cartographique
Ouverture de la carte dans l'espace cartographique

Sommaire de l’article :

Les principes d’une modélisation hydrodynamique

Le principe d’une modélisation consiste à reproduire numériquement une réalité complexe pour ensuite réaliser des simulations diverses (prévisions dans le temps…). C’est le cas pour les modèles météorologiques, de prévisions des crues, de circulations océaniques…et pour les modèles hydrogéologiques qui permettent de reproduire les écoulements souterrains à partir des équations générales qui les décrivent mathématiquement.
En hydrogéologie  , le principe de la modélisation consistera donc à résoudre numériquement les équations aux dérivées partielles de l’écoulement, sur un secteur étudié. Il s’agit de déterminer la charge hydraulique (variable inconnue) sur les éléments d’un maillage en fonction du temps et à partir de paramètres hydrodynamiques (perméabilité  , emmagasinement  ), de conditions aux limites et de conditions initiales.

Les méthodes numériques consistent en une discrétisation du domaine d’étude dans l’espace (maillage) et dans le temps pour les régimes transitoires.

Pour discrétiser l’espace, deux méthodes numériques sont essentiellement utilisées en modélisation hydrogéologique :

  • la méthode des éléments finis,
  • la méthode des différences finies.

C’est cette dernière méthode qui est utilisé dans le cadre de ce travail.
Dans le modèle présenté ici, le territoire est reproduit en trois dimensions en le découpant en éléments géométriques unitaires (= mailles). Dans chaque maille sont entrées des données sur la géométrie (topographie, profondeur d’une couche géologique), les caractéristiques hydrodynamiques (perméabilité   et emmagasinement  ), éventuellement les flux entrants (infiltration   de la pluie par exemple) ou sortant (prélèvements)… Les variables spatio-temporelles calculées par le modèle (niveaux des nappes  , débits des cours d’eau) sont comparées aux données observées sur le terrain. Pour reproduire au mieux cette réalité, des paramètres (particulièrement ceux hydrodynamiques) du modèle doivent être ajustés, c’est la phase de calage. Une fois le calage satisfaisant, le modèle peut être utilisé pour faire des simulations à partir de différents scénarios.

Les étapes d’une modélisation

Le modèle construit est un modèle régional destiné à la gestion de la ressource en eau, permettant :
• de reproduire le fonctionnement hydrogéologique des systèmes aquifères   et en particulier d’étudier les relations nappes  /rivières.
• de contribuer notamment à la gestion des prélèvements, en analysant :
- La disponibilité de la ressource en eau souterraine pour l’irrigation ;
- L’impact hivernal du remplissage de projets de retenues.

Une fois les éléments de la modélisation fixés :

  • extension du modèle,
  • nombre de couches,
  • taille des mailles,
  • pas de temps,
    la modélisation se déroule en plusieurs étapes :
    Les étapes d’une modélisation

a) Collecte des données

La construction d’un modèle hydrodynamique nécessite le recueil et la synthèse des données suivantes :

  • Géologie : les données géologiques permettent de déterminer la géométrie des couches à modéliser à partir de la connaissance des toits et des murs des niveaux aquifères   ou imperméables, issus de logs stratigraphiques, de l’analyse de diagraphies, de documents bibliographiques (thèses, rapports de bureaux d’études…),
  • Hydrogéologie   : caractéristiques hydrodynamiques de l’aquifère   (conductivité hydraulique, transmissivité, coefficient d’emmagasinement  , coefficient d’échange…), piézométrie   de la nappe   en période de basses et de hautes eaux, conditions aux limites (niveaux, flux…),
  • Hydrologie : réseau hydrographique   (caractérisé par sa géométrie - largeur, longueur et profondeur - débits, niveaux…),
  • Climatologie : la pluviométrie et l’évapotranspiration,
  • Prélèvements : pour l’alimentation en eau potable   (AEP  ), l’irrigation et autres (industrie, particuliers…).

b) La construction du modèle

Cette étape consiste à intégrer dans le logiciel de modélisation retenu les données qui vont permettre de construire les différentes « grilles » du modèle : géométrie, conditions aux limites, recharge  , propriétés hydrauliques…

c) Le calage du modèle

Le but du calage consiste à reproduire les niveaux piézométriques observés. Cette étape est réalisée en ajustant au mieux les paramètres hydrodynamiques de l’aquifère   (perméabilité  , emmagasinement  ) et dans le cas présent également les paramètres des cours d’eau (perméabilité   de colmatage des lits de rivières…).
Généralement le calage est réalisé en deux phases afin de sérier les difficultés.

  • 1re : Calage en régime permanent : dans ce cas, la nappe   est considérée comme stationnaire sur une certaine période de temps (les niveaux ne sont pas fonction du temps). Les valeurs de perméabilités définies dans cette étape sont ensuite utilisées comme champ de valeurs initial pour le régime transitoire.
  • 2e : Calage en régime transitoire : cette étape permet d’affiner le calage de l’ensemble des paramètres hydrodynamiques en restituant le plus précisément possible des chroniques piézométriques et/ou de débits de sources et de cours d’eau.

d) Les simulations

Une fois le modèle calé, les phases de simulations de différents scénarios peuvent débuter.

Le logiciel MARTHE utilisé pour la modélisation

Le code de calcul retenu dans le cadre de cette modélisation est MARTHE (Modélisation d’Aquifères   par un maillage Rectangulaire en régime Transitoire pour le calcul Hydrodynamique des Ecoulements). Ce code, développé par le BRGM, utilise la méthode des différences finies, et permet le calcul des écoulements de fluides et de transferts de masse et d’énergie en milieux poreux bidimensionnels (plan ou coupe verticale) et tridimensionnel [THIERY D. (2006)]. Les schémas peuvent être simples ou complexes (zone saturée   et/ou non saturée, écoulements multiphasiques, prise en compte de la densité du fluide, prise en compte de la végétation, interaction entre cours d’eau et nappes  , etc.) en régime permanent ou transitoire. Il permet aussi de simuler des drains souterrains.

Les différentes fonctionnalités et leur mise en œuvre sont décrites par THIERY D. (1990a et 1990b, 1993, 1994, 1995a et 1995b, 2004), THIERY D. et GOLAZ C. (2002), THIERY D. et al. (2002).
Le modèle tridimensionnel se présente sous la forme de grilles de calcul superposées avec un maillage parallélépipédique régulier ou irrégulier. Les cellules sont hydrauliquement connectées, le « motif de base » étant constitué par une cellule en relation avec les six mailles voisines (nord, sud, est, ouest, haut et bas). Dans chaque maille des valeurs sont entrées (cote des toits et des murs des couches, paramètres hydrodynamiques, conditions aux limites…) où sont calculées par le modèle (charge hydraulique).
L’interface graphique WinMarthe permet de préparer les données du code de calcul MARTHE. C’est donc un pré-processeur, puisqu’il peut être utilisé pour préparer, mettre en forme et contrôler les données numériques avant calculs. C’est également un post-processeur puisqu’il peut être utilisé, après la réalisation d’une simulation, pour visualiser les résultats obtenus sous forme de plages colorées, en plan ou en coupes verticales, ou sous forme d’isovaleurs. Il permet également l’exportation des résultats de calculs.

Historique de la construction du modèle du Jurassique

Initialement, ce modèle régional a été développé par le BRGM pour le compte de la Région Poitou-Charentes, dans le cadre du précédent CPER [PUTOT E. et BICHOT F. (2007)]. Il englobe les zones d’extension des nappes   du Dogger et de l’Infra-Toarcien entre une ligne Loudun/Châtellerault au nord et une limite La Rochelle/Angoulême au sud. Ces limites correspondent à de grandes failles. Les limites occidentales et orientales correspondent respectivement au socle armoricain et au socle du Massif Central. Le modèle couvrait déjà initialement les aquifères   du Dogger et de l’Infra-Toarcien en Vendée, et intégrait le Marais Poitevin.
Dès le départ ce modèle a été construit avec des mailles carrées de 1 km de côté et a été développé avec le logiciel MARTHE du BRGM. Ce premier modèle finalisé en 2007 (IT_DOG_V1-2007), intégrait 5 couches depuis le socle (couche de base) à la surface. Sa géométrie a été réalisée à partir de l’interprétation d’environ 1000 forages.
En 2007, suite à un rapport d’expertise concernant la fixation d’objectifs de gestion des prélèvements à la périphérie du Marais Poitevin repris dans le SDAGE Loire-Bretagne (7C4) la DIREN et l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne demandaient au BRGM d’adapter le modèle régional à la problématique de cette zone humide et de l’utiliser en particulier pour évaluer la ressource disponible pour respecter les objectifs. Ce travail fait l’objet du rapport « Contribution à la gestion des prélèvements à la périphérie du Marais Poitevin par modélisation hydrodynamique » [DOUEZ O., et al. (2010)]).
Pour répondre aux questions posées avec la précision demandée le modèle existant a dû être modifié de manière à faire un « zoom » sur les bassins versants à la périphérie du Marais. Dans cette zone, ce travail a principalement consisté à :

  • préciser la géométrie des couches préalablement existantes dans le modèle, en particulier le Dogger et l’Infra-Toarcien,
  • intégrer les zones de socle des bassins versants du Lay, de la Vendée, de l’Autize et de la Sèvre-Niortaise,
  • subdiviser la couche « recouvrement » du modèle initial en trois couches, soit de bas en haut : le Jurassique supérieur imperméable, le Jurassique supérieur altéré (nappe  ), le Bri (argile) et alluvions des marais,
  • subdiviser en neuf certaines mailles en bordure du marais (passage à des mailles de 333 m de coté),
  • introduire les principaux cours d’eau à la périphérie et dans le marais,
  • collecter et traiter les données de prélèvement   de manière à reconstituer des chroniques mensuelles ou hebdomadaires les plus précises possibles, sur la période 2000 à 2007,
  • introduire les nouvelles zones de recharge   à partir des données météorologiques existantes,
  • enfin, réaliser une importante phase de calage sur les chroniques piézométriques disponibles pour reconstituer ces dernières avec la précision adéquate.
    Il a découlé de ce travail une nouvelle version du modèle comportant au total sept couches (4 + 1 subdivisée en 3).
    Ce modèle a de nouveau été actualisé et adapté en 2011 en :
  • subdivisant la couche « recouvrement » sur le reste du domaine (hors Marais Poitevin) en trois couches : une couche Jurassique supérieur imperméable non-altérée, une couche Jurassique supérieur superficielle altérée (nappe  ), une couche regroupant le Crétacé supérieur et le Tertiaire (principalement des altérites) différente de la couche Bri et alluvions du modèle « Marais Poitevin ». Le modèle régional ainsi obtenu comporte donc actuellement huit couches de calcul ;
  • collectant, traitant, mettant en forme et intégrant dans le modèle les chroniques de prélèvement   sur la période 2005-2007 ;
  • introduisant trois années de plus de recharge  /ruissellement ;
  • recalant le modèle sur la totalité des chroniques disponibles dans le réseau régional.
    Différentes phases de construction et d’adaptation du modèle

Géométrie du modèle

En termes d’extension, les limites initiales n’ont pas été modifiées à l’exception des zones de socle à l’amont des bassins versants de la Vonne, de la Boivre… qui ont été ajoutées dans un second temps pour inclure la totalité de ces bassins versants dans le modèle et s’affranchir de l’intégration de chroniques de débits amont de ces cours d’eau à l’entrée du modèle.
Concernant le maillage, la trame du kilomètre carré a été conservée sur la totalité de l’extension du modèle. Pour gagner en temps de calcul, les mailles subdivisées autour du Marais Poitevin, pour les besoins du travail spécifique réalisé autour de ce dernier, n’ont pas été conservées dans la version régionale. Il existe donc actuellement une version régionale du modèle et une version Marais Poitevin, avec des mailles plus fines et un pas de temps plus fin (la semaine en période estivale).
Le modèle comporte in fine, dans sa version régionale, au total 96 340 mailles et couvre 19 280 km2.

Bloc-diagramme du modèle des nappes du Jurassique de Poitou-Charentes

Chaque couche de ce modèle possède une partie affleurante et une partie profonde sous recouvrement de la couche supérieure. Il est à noter toutefois que la couche 3 (Jurassique supérieur non-altéré) n’affleure pas et que la couche 1 ne possède pas de zone « recouverte ».
Dans les parties affleurantes, la topographie forme le « toit » de la couche. Les valeurs intégrées dans les mailles correspondantes ont été calculées en moyennant le modèle numérique de terrain (MNT) de l’IGN au pas de 50 m. Des réajustements manuels ont parfois localement été nécessaires au cours de l’étape de calage, pour, par exemple, ramener la cote d’une maille au niveau de la rivière. On utilise pour ce faire les points cotés figurant sur les cartes IGN 1/25 000 plus précis que les données du MNT (c’est particulièrement vrai autour du Marais Poitevin).
Ainsi, pour les mailles concernées par un des cours d’eau intégrés dans le modèle, c’est l’altitude minimum, sur le tronçon de rivière traversant cette maille, calculée à partir du MNT de 50 m, qui a été affectée à la maille, (abaissement de la topographie au niveau des rivières), avec pour objectif d’affiner localement la piézométrie   et de mieux prendre en compte les échanges possibles entre nappes   et rivières.
Pour les différentes couches modélisées, des MNST (Modèle Numérique Sous-Terrain), avec un maillage régulier de 1 km de côté, pour chaque toit (ou mur) ont été construits de la façon rappelée ci-après.

Le Bri du Marais Poitevin - couche 1

La carte en isopaques (courbes d’égale épaisseur de la couche - cf. rapport BRGM/RP-58297-FR [DOUEZ O. et al. (2010)]) a été interpolée et utilisée pour la construction de cette couche. Cette couche 1 est particulièrement découpée pour tenir compte des nombreux îlots (dont certain comme l’île d’Elle atteint presque 30 m d’altitude) et intégrer les argiles dans les vallées à l’amont du Marais. Afin de contraindre l’interpolation une épaisseur de 1 m a été considérée autour de ces îlots calcaires du Marais Poitevin.

Crétacé supérieur/altérites - couche 2

Un travail important a été réalisé pour distinguer le Crétacé supérieur et subdiviser la couche « recouvrement » initiale dans la partie nord de la région. Ce travail s’est appuyé sur la thèse de JOUBERT J.-M. (1980) (« Le Cénomanien des départements de la Vienne et des Deux-Sèvres ») et sur les coupes des forages.
Toutefois, le but de ce travail n’était pas la modélisation de la nappe   de Cénomanien qui est plutôt un aquifère   important pour la région Centre voisine. En relation avec les rivières, notamment dans les bassins de l’Envigne et de l’Ozon, l’objectif était de voir si le modèle reproduisait des bilans cohérents pour ces bassins versants, entre les entrées pluies efficaces et les sorties (débits de rivière) en passant par les nappes  . Cette couche de « recouvrement », correspondant dans cette partie principalement au Cénomanien, intègre cependant aussi la totalité du Crétacé supérieur, ainsi qu’à l’Est (vers La Roche-Posay) les affleurements   tertiaires.
Enfin, dans le reste du domaine (hors domaines du Jurassique supérieur et du Crétacé) la couche « recouvrement » a conservé sa géométrie initiale. Tout au plus, des réajustements manuels ont été opérés (ajouts de quelques mailles, affinement de la topographie [toit de la couche]…) pour améliorer le calage. Cette couche correspond dans ces zones aux altérites qui coiffent en général les plateaux à « ossature » des calcaires du Dogger (Complexe des « bornais », argiles à silex, Terres rouges à châtaigners…).

Jurassique supérieur altéré - couche 3

Dans la partie orientale, à la périphérie sud du Marais, une cartographie de l’épaisseur de la frange altérée aquifère   a été réalisée en s’appuyant sur 2 047 forages (cf. rapport BRGM/RP-58297-FR [DOUEZ O. (2010)]). Quand la coupe stratigraphique n’était pas disponible, la profondeur du forage a été utilisée comme référence pour le mur de l’aquifère   (les forages s’arrêtent généralement au niveau du banc   bleu qui correspond à la zone non altérée et donc non aquifère   du Jurassique supérieur).
Dans la partie ouest du domaine (du littoral au Mignon), la carte de la profondeur du banc   bleu, issue de la thèse de TORRES O. (1973), a été utilisée.
Toujours dans le Marais Poitevin, il a été retenu une épaisseur moyenne de l’ordre de 10 m au niveau des îlots de Callovien et de Jurassique supérieur, et une épaisseur uniforme de 1 m sous les argiles du Bri.
Sur le reste du domaine concerné par l’existence de Jurassique supérieur (Boutonne moyenne et inférieure, Aume-Couture, Antenne, Charente « moyenne », Sévre-amont, Pallu…) l’épaisseur de cette couche a été estimée en considérant les coupes des forages ou, à défaut de coupe, leur profondeur. Pour le bassin   de l’Aume-Couture, la géométrie du Jurassique supérieur a été précisée en utilisant les données du modèle réalisé en 1977 par le BRGM (Rapport 77SGN270AQI « Bassin   de l’Aume et de la Couture – Recherche et mise en valeur des ressources aquifères   des formations séquaniennes », [AURIOL J. et al. (1977)]). Pour le bassin   de la Boutonne, les thèses de MAZEAU M. (1979) (« Contribution à l’étude géologique et hydrogéologique du Jurassique supérieur à Courçon et St-Jean-d’Angély ») et de ORSINGHER M. (1980) (« Contribution à l’étude géologique et hydrogéologique du Jurassique supérieur région Nord et Est de St-Jean-d’Angély ») ont aussi été exploitées.
Enfin, dans le Châtelleraudais, là où le Jurassique supérieur est captif et profond, une épaisseur moyenne de 15 m a été attribuée aux mailles dans la mesure où il existe très peu de données.

Jurassique supérieur non altéré - couche 4

Rappelons que dans le modèle initial, le Jurassique supérieur au-dessus du Dogger aquifère   n’était pas différencié. La base de cette couche correspond au toit de l’aquifère   du Dogger déjà modélisé. Peu de modifications ont été apportées dans la dernière version du modèle par rapport à la base de la couche de recouvrement initiale.
Il convient de souligner que cette couche n’apparaît jamais à l’affleurement   et que son extension reste en deçà de l’extension de la couche de Jurassique supérieur altéré. Il en découle que, dans les zones où le Jurassique supérieur est de faible épaisseur, la nappe   du Jurassique supérieur altérée vient directement en contact avec l’aquifère   du Dogger (par exemple : bassin   de la Dive du Sud entre Lezay et Rom ou bassin   amont de la Dive du Nord).

Dogger - couche 5, Toarcien – couche 6, Infra-Toarcien – couche 7

Sur la bordure nord du Marais Poitevin, la géométrie de ces couches a été précisée en utilisant les cartographies de ROY C. (1987) notamment pour tenir compte de la fracturation importante des couches (cf. rapport BRGM/RP-58297-FR (DOUEZ O. et al. (2010)]).
Sur le reste du domaine la géométrie du modèle initial n’a pas été modifiée, si ce n’est à la marge à travers des ajustements principalement topographiques en cours de calage. Rappelons que cette géométrie découlait du traitement et de l’interpolation de plus de 1 000 coupes de forages.

Le socle - couche 8

A cette couche de base du modèle a été affectée une épaisseur uniforme de 50 m. Son toit correspond, dans les parties affleurantes du socle, à la topographie intégrée dans le modèle à partir du Modèle Numérique de Terrain au pas de 50 m.
Autour du Marais Poitevin, sous recouvrement secondaire, le toit du socle a été légèrement modifié par rapport au modèle initial pour tenir compte des précisions apportées aux couches jurassiques, notamment la carte en isohypses de la thèse de ROY C. (1987) (cf. rapport BRGM/RP-58297-FR). En revanche, il n’y a pas eu de modification de la géométrie du socle dans le reste du domaine modélisé.

Extension, conditions aux limites du modèle du Jurassique

Les sorties en limite du modèle

En « sortie » de modèle, des potentiels imposés ont été appliqués :

  • Sur la limite ouest du modèle, qui correspond au niveau imposé par l’Océan Atlantique. Cette limite se situe à quelques kilomètres de la ligne littorale (largeur de deux mailles) dans l’Atlantique afin de réduire l’influence de ce potentiel constant sur la partie continentale du modèle hydrodynamique. La valeur attribuée dans ces mailles est de +0,5 m NGF, pour tenir compte des effets des marées, de la densité de l’eau salée marine, et cela correspond aussi à la cote moyenne des eaux de mer le long du littoral charentais (source   SHOM).
  • Sur les bordures nord-est et sud-ouest du modèle régional qui correspondent à de grandes failles profondes. Devant le peu de données existantes pour connaître les hauteurs d’eau des nappes   dans ces secteurs (peu de suivi piézométrique   sur les formations concernées dans ces zones), la solution retenue a été de recourir aux niveaux d’eau statiques asynchrones mesurés lors de la création de points d’eau bancarisés en BSS [PUTOT E. et BICHOT F. (2007)]. A partir de ces données, une moyenne spatiale calculée par une technique simple d’interpolation (pondération par l’inverse de la distance) permet d’obtenir une valeur vraisemblable de la hauteur d’eau au niveau des mailles de la bordure du modèle. Cette valeur de charge imposée est appliquée à l’ensemble des couches représentées sur ces limites (ne concerne pas le Bri).Certains réajustements ont été opérés sur les valeurs de potentiel des limites sud et nord.

Il existe, par ailleurs, des conditions internes qui correspondent ici :

Réseau hydrographique  

Les échanges nappes  /rivières jouent un rôle important dans l’hydrodynamique régionale : les nappes   sont en effet souvent en étroite relation avec les rivières, avec en particulier un rôle de soutien des débits d’étiage   des cours d’eau.
Le module « échanges nappes  /rivières » du logiciel WinMarthe permet un couplage direct entre nappes   et cours d’eau.

Réseau hydrographique intégré dans le modèle

Le réseau de rivières pris en compte est présenté sur l’Illustration ci-dessus. Au total, la dernière version du modèle comporte 3 050 km de linéaire de cours d’eau.
Outre l’introduction dans le modèle de la structure du réseau (arbre des affluents et sens d’écoulement), il faut attribuer à chaque maille traversée par un cours d’eau une valeur pour les paramètres suivants :

  • Longueur de la rivière au droit de la maille,
  • Largeur de la rivière : pour rentrer ce paramètre dans le modèle, la codification de la base de données IGN/BD CARTHAGE a été utilisée comme suit :
    Paramétrage des largeurs de rivière dans le modèle

    Pour les canaux non renseignés par la BD-Carthage, des largeurs de 3 mètres à 5 mètres ont été rentrées dans le modèle.

  • La cote moyenne du fond de rivière : en général elle a été calculée en considérant le minimum du MNT au pas de 50 mètres sur le tronçon de rivière correspondant à la maille. Toutefois, pour les canaux du Marais et pour certains cours d’eau (Dive du Nord, Péruse, Dive du Sud…), l’imprécision du MNT a conduit à corriger les valeurs en considérant les points cotés des cartes IGN 1/25 000. Pour la Vienne, nous disposions aussi des récents travaux de nivellement réalisés, pour le compte de la DDAF, le long des cours d’eau à proximité des piézomètres du réseau régional. Cette opération de nivellement visait à constituer un référentiel de points pour préciser les relations nappes  /rivières.
  • La pente et le coefficient de Manning’s : considérés généralement comme paramètres de calage. Ils ont été fixés respectivement à 0,005 (5 m de dénivelé pour une distance horizontale de 1 000 m) et 0,02 sur l’ensemble du domaine.
  • L’épaisseur (0,1 mètre) et la perméabilité   de colmatage du lit de la rivière.

Dans chaque cours d’eau introduit dans le modèle, il est possible de calculer un débit en tout point (= maille) de son linéaire que l’on peut comparer avec les chroniques de mesures disponibles sur les stations hydrométriques.
Ce réseau hydrographique   est fortement « anthropisé » par les nombreux stockages, et particulièrement à l’amont des bassins versants, sur les zones de socle. D’importantes retenues d’eau sont ainsi utilisées notamment pour le soutien d’étiage  . Si toutes les données sur les retenues ne sont pour le moment pas disponibles (on considère par exemple qu’il y a plus de 1 000 retenues sur le bassin   amont de l’Autise), les chroniques des lâchers des grandes réserves ont été utilisées et injectées dans le modèle. Il s’agit de :

  • barrage du Marillet en Vendée (données VEOLIA),
  • barrages du Mervent, Graon, Rochereau, Vouraie, Angle-Guignard en Vendée (données de la SAUR),
  • le barrage de la Touche-Poupard (79) est pris en compte en injectant dans le Chambon les chroniques de la station de Saivre (Donia) située à l’aval du barrage,
  • les barrages sur la Charente amont (Lavaud et Mas Chaban) sont pris en compte à travers l’injection à l’entrée dans le modèle des données des débits de la station de Pont-de-Suris,
  • De même sur la Vienne avec l’utilisation de la station d’Etagnac.
    De la même manière, du fait que la totalité des bassins versants de la Tardoire et du Bandiat ne sont pas intégrés, on injecte à l’entrée de ses rivières dans le modèle (stations fictives) les données (ajustées pour tenir compte de l’accroissement de superficie du bassin   versant) des stations respectivement de Montbron et de Feuillade.

Calcul de la recharge   par les pluies

La recharge   des nappes   est estimée par zones, au pas mensuel, à partir d’un bilan classique fournissant la pluie efficace, qui correspond à la lame d’eau disponible pour le ruissellement et l’infiltration  . L’Indice de Développement et de Persistance des Réseaux (IDPR, cf. in [PUTOT E. et BICHOT F. (2007)]), développé par le BRGM dans le cadre d’études de vulnérabilité des nappes  , est utilisé ici pour évaluer le fractionnement de cette pluie efficace entre ruissellement et infiltration  .

Mailles de recharge  

Toutes les mailles affleurantes du modèle sont considérées comme mailles de recharge  .

Calcul de la pluie efficace

a. Principe du calcul

L’estimation de la pluie efficace est réalisée au pas décadaire puis ramenée au mois à partir du bilan classique :
Peff = P – ETP – [dS]
Avec :
Peff : Pluie efficace ; Peff = Ruissellement + Infiltration   en profondeur,
P : Précipitations,
ETP : Evapotranspiration potentielle,
[dS] : Variation du stock d’eau dans le sol durant le pas de temps qui dépend elle-même de la RU : la « réserve utile » ou capacité maximale en eau du sol.
Pour réaliser ce bilan, le sol est assimilé à un réservoir d’une capacité maximale en eau « donnée » (classiquement appelée « réserve utile »).

b. Stations météorologiques utilisées

Les 11 stations utilisées dans le modèle ont été sélectionnées suivant deux critères :

  • la localisation, afin de disposer d’une répartition homogène des stations sur le domaine modélisé.
  • les données disponibles sur la période 1994-2007 pour les précipitations et l’évapotranspiration potentielle.
    Les données météorologiques ont été collectées au pas de temps décadaire (pour l’ETP) ou journalier (pour la pluie) pour les 11 stations.
    Il existe malheureusement des lacunes dans les données acquises. Pour les stations de Thuré et de Saintes (avant 2004), un comblement des lacunes a été réalisé à l’aide d’un processus itératif de comparaison avec les observations complètes des autres stations (processus basé sur une analyse statistique multivariables) les valeurs reconstituées ont été calculées au pas mensuel.

c. Zonage retenu pour la pluie efficace

Un découpage spatial du modèle a été réalisé pour avoir dans chaque maille la meilleure approximation possible de la pluie efficace locale compte tenu des données existantes.
Il repose sur :

  • un zonage correspondant aux 11 stations météorologiques retenues. Les zones d’influence des stations météorologiques ont été définies à l’aide de la méthode de polygonation de Thiessen.
  • la carte régionale de la Réserve Utile des sols réalisée par la chambre d’agriculture. Elle donne une répartition simplifiée de la capacité maximale en eau du sol par zone.
    L’intersection de ces deux découpages conduit à 30 zones possédant chacune une valeur de RU, de Pluie et d’ETP. L’estimation de la pluie efficace est calculée sur chacune de ces zones pour chaque pas de temps.

L’Indice de Développement et de Persistance des Réseaux

L’IDPR permet de rendre compte indirectement de la capacité intrinsèque du sol à laisser infiltrer ou ruisseler les eaux de surface. Cette capacité d’infiltration   dépend en particulier de la perméabilité   de la zone non saturée   mais aussi d’autres paramètres comme la végétation ou la déclivité.
Le concept de l’IDPR est basé sur la comparaison entre le réseau hydrographique   existant et un réseau hydrographique   fictif qui considère la présence d’une rivière dans chaque fond de vallée (réseau de talwegs  ). Cela permet de faire ressortir les zones à faible réseau hydrographique   (zones d’infiltration   forte) et celles où le ruissellement est important (réseau hydrographique   dense).
Dans le cadre de cette modélisation, la carte de l’IDPR a été utilisée. Il s’agit d’une grille de données brutes du calcul de l’indice IDPR constituée de cellules de 100 m de côté pour chacune desquelles est attribuée une « note » allant de 0 à 2 000 (0 correspondant aux zones d’infiltration   majoritaire ; 2 000 aux zones de ruissellement majoritaire).
L’IDPR est moyenné sur chaque maille affleurante du modèle. En fonction de la valeur de cet indice, la maille est rangée dans l’une des quatre classes de répartition de la pluie efficace présentée dans le tableau ci-dessous.
Les valeurs retenues pour cette répartition de la pluie efficace entre infiltration   et ruissellement ne sont pas figées et peuvent être modulées pour affiner le calage. Néanmoins, les simulations des débits dans les cours d’eau intégrés dans le modèle ont montré que la partition initiale a donné d’emblée de bons résultats.

Classes d’IDPR et répartition correspondante de la pluie efficace entre infiltration et ruissellement.

Zonage retenu pour la recharge  

La pluie efficace, calculée sur les 30 zones précédentes, est croisée avec les quatre classes d’IDPR de manière à définir 99 zones de recharge  /ruissellement.
Ce découpage en 99 zones de recharge   est introduit dans le modèle hydrodynamique. Chaque maille affleurante possède un numéro de zone de recharge  . A chaque pas de temps, une valeur de recharge   et une valeur de ruissellement sont affectées à chaque numéro de zone et donc à l’ensemble des mailles affleurantes qui correspondent à cette zone.
Il est à noter que par soucis de simplification du modèle, les zones de socle ajoutées (couche 8) ont été considérées comme homogènes pour la Réserve Utile comme pour l’IDPR. Le réseau hydrographique   y est en effet dense, bien réparti, soulignant l’importance du ruissellement (considéré comme étant égal à 80 % de la pluie efficace).

Principe de calcul de la recharge

Prélèvements

Les données prélèvements introduites dans le modèle concernent l’Alimentation en Eau Potable   (AEP  ), l’irrigation et l’industrie. Les données proviennent essentiellement des quatre DDAF et des deux Agences de l’Eau.
Suivant les départements et les années, les données fournies sont très hétérogènes : relevé effectué par semaine en Vienne et Deux-Sèvres (DDAF) mais données très partielles pour les années 2006-2007, données à l’étiage   ou annuelles pour la Charente-Maritime jusqu’en 2005, données la plupart du temps non localisées pour la Charente, données (annuelles) des Agences de l’eau rapportées en général à des compteurs (localisation par l’adresse du propriétaire) et non aux forages…
Dans un premier temps, un travail de géo-référencement a dû être effectué principalement pour les données agricoles. Il a consisté en l’attribution d’un numéro de la Banque de données du Sous-Sol (N° BSS) lorsque cela était possible. Dans le cas contraire, une localisation à la parcelle, au lieu-dit ou à la commune, a été réalisée en fonction des informations disponibles. Un temps important a été consacré à ces traitements en raison du grand nombre de données, plus de 4 000 points, de la difficulté à croiser les données des organismes pour l’attribution de numéros BSS et de la recherche de coordonnées de parcelle ou de lieu-dit point par point respectivement sur des plans cadastraux ou des cartes IGN.
Dans un second temps, l’aquifère   capté a dû être identifié. Le réservoir est connu lorsqu’un n° BSS est attribué au forage. Dans le cas contraire, la nappe   a été rattachée au forage en fonction des forages environnants et de la profondeur du point de prélèvement  .
A partir de ces données un historique des prélèvements par maille et par couche a été constitué. Cet historique est au pas mensuel, voire au pas hebdomadaire pour les périodes estivales autour du Marais Poitevin, ce qui a nécessité dans beaucoup de cas de ramener les données disponibles à ces pas de temps (par exemple division par 12 de données annuelles pour passer à un pas de temps mensuel).

Prélèvements A.E.P et industriels

Les données utilisées proviennent de l’Agence de l’Eau, avec des données annuelles et un volume prélevé au cours de la période d’étiage   (avril-octobre pour l’AELB, juillet-octobre pour l’AEAG). Ces données ont été ventilées en divisant le volume considéré sur le nombre de mois des différentes périodes. En règle générale, les prélèvements sont en effet bien répartis sur l’année.

Prélèvements agricoles en nappe  

Concernant les prélèvements agricoles, la situation est très disparate suivant les départements. Les données proviennent des DDAF et des Agences de l’Eau. Le tableau ci-après (Illustration 18) indique les principales difficultés rencontrées concernant les données DDAF.
Les données sur le département 16 en particulier n’étant pas connues mensuellement, la ventilation a été réalisée en fonction des données des départements voisins, les périodes d’irrigation étant sensiblement les mêmes d’un département à l’autre.

Prélèvements agricoles dans les cours d’eau

Les prélèvements en rivières ont été intégrés à partir des données fournies par l’Agence de l’Eau. N’ayant que la connaissance de la commune de prélèvements (absence de coordonnées exactes), ces prélèvements ont été globalisés sur une maille correspondante à la commune et au cours d’eau modélisé.
La ventilation des données a été réalisée à partir de la ventilation effectuée sur les données de prélèvements souterrains.

Le calage du modèle

Le calage du modèle a été réalisé en plusieurs étapes afin de sérier les difficultés tout en augmentant la « complexité » du modèle. Ceci a permis d’améliorer le calage et de ce fait la restitution des valeurs de piézométrie   observée. De plus, cela permet de gagner en temps de calcul lors des premières phases. Pour ne pas être influencé dans la phase de calage, les cartes de perméabilités préexistantes (réalisées notamment à l’aide de précédents modèles) n’ont pas été exploitées.

Comme dans le système multicouche modélisé le régime permanent est peu réaliste, la première étape a consisté à caler en régime « pseudo-permanent », qui correspond ici à un état pseudo-stationnaire ou « virtuel » de la nappe   (régime moyen annuel). Ce modèle pseudo-permanent a permis d’établir une ébauche de la distribution des paramètres de perméabilité  .

Dans un second temps, les valeurs de perméabilité   et du coefficient d’emmagasinement   des aquifères   et épontes ainsi que des perméabilités de colmatage des cours d’eau ont été affinées en régime transitoire. Le calage du paramètre de diffusivité a été réalisé avec l’aide de la connaissance de valeurs ponctuelles de perméabilité   et de coefficient d’emmagasinement   spécifique issus d’essais de pompage.

Dans le cadre de la version régionale du modèle, les différents piézomètres utilisés pour cette phase de calage, 87 au total, sont reportés sur la carte ci-dessous, auxquels il faut ajouter les piézomètres utilisés pour caler le modèle Marais Poitevin. Ces piézomètres sont biens répartis sur l’ensemble de la zone d’étude. Les données sont issues du réseau de suivi quantitatif des eaux souterraines   de la Région Poitou-Charentes.

Piézomètres utilisés pour le calage en transitoire du modèle régional

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