Contexte hydrogéologique du Limousin

La région Limousin est constituée de deux domaines géologiques fondamentalement différents, le massif cristallin du Massif Central et le bassin   sédimentaire d’Aquitaine. Le massif cristallin est largement dominant en superficie. Les formations sédimentaires du bassin   Aquitain occupent notamment une petite partie du territoire au Sud-Ouest.

Carte géologique simplifiée du Limousin

EN DOMAINE DE SOCLE

Le territoire Limousin est couvert à 93 % par des roches dites de « socle », en référence à des roches anciennes issues de formations profondes exhumées à la surface suite à l’érosion de chaînes de montages anciennes formées au cours de l’orogénèse hercynienne d’âge paléozoïque (-540 Millions d’années à -250 Millions d’années). Le terme « socle » désigne les roches dites cristallines ou métamorphiques, formées en profondeur tels que les granites et les schistes. En l’absence de fracturations et d’altérations ces roches forment des ensembles très denses et massifs, d’où l’appellation de « socle ». De telles formations se retrouvent sur l’ensemble du territoire de l’ex-région Limousin, mais également en Bretagne, dans les Vosges, le Massif Central ou une partie des Pays de Loire ou de la Normandie.

Le socle compose 93 % de la surface totale du territoire limousin

Modèle d’aquifère   « complexe multicouche »

Le contexte des aquifères   du socle est décrit en partie par un modèle conceptuel général récent. Il propose une explication de la mise en place d’aquifères   potentiels (Dewandel et al., 2006).

Schéma conceptuel des aquifères en domaine de géologie de socle (source Wyns et al., 1999 et 2004)

Ce modèle décrit un aquifère   « complexe multicouche » (altérites meubles + horizon fissuré). Il est stratiforme et sa genèse est liée à des processus d’altération météoritique. Ces processus sont encore observés dans des contextes climatiques de type chauds et humides. Ces conditions ont existé au Crétacé (entre – 140 Ma   et – 85 Ma  ) pour l’actuel Limousin. La mise en place de ce complexe issu de l’altération des roches suit une progression verticale depuis la surface des terrains naturels et l’intensité des altérations/transformations est décroissante avec la profondeur.

Les altérites : elles sont en surface et composent une matrice meuble, formée de sables et de minéraux argileux en plus ou moins forte proportion. Ces altérites résultent d’une altération très poussée de la roche originelle. La part d’argile est guidée par la nature de la roche mère ; en général plus importante sur des schistes et moins forte sur des granites. Toutes les variantes sont possibles entre ces deux textures qui conditionnent la mobilité de l’eau retenue dans ce type de réservoir.

Altérites de leptynites (aspect de gneiss), Maison-Neuve, commune de Saint-Priest-Ligoure (Haute-Vienne)

L’horizon fissuré  : Il permet la circulation de l’eau (Lachassagne et al., 2001). L’origine de cette fissuration résulte de contraintes engendrées par le gonflement de certains minéraux au cours du processus d’altération. Ce processus qui progresse depuis la surface vers les niveaux plus profonds, engendre une hétérogénéité de la fréquence des fissures qui décroit avec la profondeur. Les propriétés hydrodynamiques de l’horizon fissuré ont fait l’objet de caractérisation de détail (Maréchal et al, 2004 ; Dewandel et al, 2006). Ainsi par exemple, au sein des granites, seules quelques fissures subhorizontales présentent une perméabilité   suffisante pour permettre des venues d’eau significatives.

Plus en profondeur, la roche est saine et peu fracturée. Ce massif sain ne présente une capacité à laisser transiter les eaux souterraines   que très localement, à la faveur de fractures tectoniques qui, si elles ne sont pas colmatées, vont permettre la circulation de l’eau en profondeur, voire le drainage des aquifères   de surface.

Horizon fissuré du granite, débité ici pour tailler des escaliers, La Chapelle Baloue (Creuse)

Propriétés des réservoirs potentiels

Le modèle conceptuel proposé décrit des réservoirs potentiels, il ne préjuge pas de la présence effective de l’eau, c’est-à-dire la présence de nappe  , ni de ses caractéristiques hydrodynamiques que sont la porosité   et la perméabilité  .

La porosité  , qui est la capacité du milieu à stocker une eau, est décrite de la façon suivante dans les aquifères   de socle :

  • la partie supérieure : l’horizon des altérites meubles (fraction meuble de l’altération des formations du socle cristallin) présente une porosité   efficace de l’ordre de 2 % à 8 % dans les contextes les plus favorables ;
  • en-dessous, dans l’horizon fissuré (fraction non meuble de l’altération des formations du socle cristallin où se développent des fissurations horizontales), la porosité   varie de moins de 1 % à quelques % et diminue vers le bas pour devenir nulle à la base de l’horizon fissuré où disparaissent ces fissures et donc la capacité du milieu à contenir de l’eau.

La perméabilité   est la capacité du milieu à laisser circuler l’eau, les deux couches (altérites meubles et milieu fissuré) ont des propriétés distinctes. Elles ont, ou non, la capacité à être réservoirs pour des nappes   d’eau souterraines. Il faut en ce cas entendre le terme de nappe   au sens d’une ressource économiquement exploitable, c’est-à-dire ayant capacité à laisser circuler l’eau en quantité et qualité satisfaisante pour l’usage AEP  , par exemple :

  • dans l’horizon des altérites meubles, la conductivité hydraulique est en moyenne comprise entre 10-7 et 5.10-6 m/s (Dewandel et al., 2006). Cette faible perméabilité   est, au sens général, celle d’un semi-aquifère   ou aquitard, réservoir considéré de qualité médiocre en termes de production d’eau. L’épaisseur des altérites meubles varie entre < 1 m et jusqu’à 30 m en Limousin. Une nappe   d’eau souterraine réside en général dans ces altérites meubles. Elle y est de très faible productivité (< 1m3/h) ;
  • l’horizon fissuré est plus généralement le lieu où s’établit la nappe   d’eau souterraine. Cette capacité du réservoir fissuré à contenir cette nappe   dépend de sa perméabilité   et de son épaisseur. En termes de conductivité hydraulique, elle est comprise entre 10-6 m/s et 5.10-3 m/s. Dans le cas où l’horizon fissuré est caractérisé par des joints horizontaux (granites non déformés et gneiss à foliation verticale), la perméabilité   est, en général, anisotrope avec une perméabilité   horizontale atteignant en moyenne 10 fois la valeur de la perméabilité   verticale (Maréchal et al., 2004). En termes d’épaisseur, l’horizon fissuré peut atteindre une centaine de mètres (Vosges) mais est souvent voisin d’une cinquantaine de mètres (Inde). La productivité moyenne des débits d’exploitation de cet horizon, lorsque les forages parviennent à recouper des fissures productives, est de l’ordre de 4 m3/h à 7 m3/h. Le taux d’échec de la recherche en eau souterraine dans ce contexte est élevé, la probabilité de recouper une fracture productive est faible. Des variations importantes de productivité sont souvent constatées même pour des ouvrages voisins de quelques dizaines de mètres.

Généralités sur le fonctionnement des aquifères  

Les aquifères   potentiels du Limousin, hors domaine sédimentaire, sont ainsi formés d’un réservoir aquifère   supérieur composé des altérites meubles et d’un aquifère   celui sous-jacent, composé de roches fissurées.

Représentation en bloc 3D des aquifères de socle

À noter que parfois, un seul des deux aquifères   se développe, soit dans les formations meubles proches de la surface (absence de milieu fissuré en dessous), soit dans le milieu fissuré affleurant (sans couverture meuble).

Lorsque le socle sain affleure sans couverture (altérites), il peut être massif. Dans ce cas il n’y a pas de développement d’aquifère  , tout du moins dans un milieu fissuré tel que décrit dans le modèle conceptuel. Si ce milieu est de perméabilité   nulle ou quasi nulle, toute l’eau qui circule sur ces territoires transite par les écoulements de surface (ruisseaux et rivières) ou est stockée dans des zones humides ou des lacs.

L’ensemble multicouche, lorsqu’il est reconnu sur le terrain, présente des interactions qui s’établissent entre les deux nappes   sises dans ces deux formations. Ces interactions peuvent être complexes. Ainsi, en Limousin, dans la grande majorité des points du réseau de suivi piézométrique   suivi par le BRGM (33 piézomètres sur le socle), la surface piézométrique   de l’aquifère   du fissuré s’établit dans les formations d’altérites meubles lorsque celles-ci sont présentes. Le mode de gisement de cet aquifère   est alors soit libre, soit captif selon la perméabilité   ou le contraste de perméabilité   entre ces formations. En fonction du différentiel de charge hydraulique entre les deux formations, le milieu fissuré peut soit alimenter par drainance verticale les altérites meubles peu perméables, soit se voir alimenté par les formations des altérites.

Exemple de suivi sur un doublon de piézomètres dans les altérites meubles et le socle fissuré

Des phénomènes d’artésianisme peuvent être observés aux périodes où la recharge   est maximale.

hydro limousin8

Un grand nombre des ouvrages du réseau piézométrique   régional présentent des caractéristiques communes, à savoir des amplitudes interannuelles limitées, une forte réactivité aux évènements pluvieux et une amorce rapide de vidange en l’absence de précipitations, dans des aquifères   aux capacités de stockage limitées. Ainsi, malgré un étiage   sévère, la majorité des systèmes aquifères   sur socle du Limousin peuvent retrouver des niveaux maxima dès retour « à la normale » des pluies d’hiver.

Les niveaux piézométriques (niveaux d’eau en général peu profonds) suivent la topographie, dans un contexte où les réservoirs en présence alimentent les exutoires que forme le réseau des eaux de surface.

EN DOMAINE SEDIMENTAIRE

Les terrains sédimentaires, qui couvrent environ 7 % de la surface du territoire limousin, sont principalement représentés sur 2 secteurs, caractérisés par un contexte hydrogéologique distinct.

7 % de la surface du territoire limousin est composée de terrains sédimentaires

Bassin   de Gouzon (Creuse) - Aquifère   des sables et argiles tertiaires

Cet aquifère   est localisé au niveau du secteur de Gouzon en Creuse sur une superficie de 50 km2. Il correspond à un bassin   de sédiments détritiques   tertiaire, limités au nord par des gneiss et au sud par des lambeaux de coulées rhyolitiques (BRGM/RR-30197-FR). Les niveaux aquifères   sont attribués aux formations détritiques   où alternent des niveaux d’argiles, de sable et de galets à stratifications entrecroisées. Il s’agit d’un aquifère   complexe, hétérogène avec superposition de plusieurs réservoirs séparés par des niveaux argileux de plusieurs mètres d’épaisseurs. Au regard de la productivité, plusieurs recherches d’eau ont été menées sur le bassin   qui ont abouti à l’exploitation de captages à un débit de l’ordre de 60 m3/h : captage   de VarennesB (06432X0018/HY – Numéro BSS récent).

Points d’eau et niveaux statiques dans le domaine sédimentaire du bassin de Gouzon

Bassin   de Brive-la-Gaillarde (Corrèze) : Aquifères   contenus dans les formations du Jurassique, localisées en bordure nord du bassin   aquitain

Ces aquifères   sont inclus dans 3 entités hydrogéologiques locales, chacune caractérisée par une double porosité   : matricielle et karstique  . Il s’agit des entités : 358AE07, 358AE03 et 362AA03 (codification BDLISA v0). Au niveau de l’exploitation de ces aquifères  , l’examen des bases de données SISEEAU et BSSEAU met en évidence, au droits de ce secteur, un nombre limité d’ouvrages (sources et forages). Les profondeurs atteintes n’excèdent pas 100 mètres.

Points d’eau et niveaux statiques dans le domaine sédimentaire du bassin de Brive

Dewandel B., Lachassagne P., R. Wyns, Maréchal J.C., Krishnamurthy N.S. (2006) – A generalized hydrogeological conceptual model of granite aquifers controlled by single or multiphase weathering. J. Hydrol., 330, 260-284, doi:10.1016/j.jhydrol.2006.03.026.

Lachassagne P., Dewandel B., Wyns R. (2021) - Review : Hydrogeology of weathered crystalline/hard rock aquifers – guidelines for the operational survey and management of groundwater resources. Hydrogeology Journal. https://doi.org/10.1007/s10040-021-02339-7

Maréchal J.C., Dewandel B., Subrahmanyan K. (2004) - Contribution of hydraulic tests at different scale to the characterisation of fracture network properties in hard-rock aquifers. Water Res. Res., 40, W11508, 1-17.

Wyns R., Gourry J.-C., Baltassat J.-M., Lebert F. (1999) - Caractérisation multiparamètres des horizons de subsurface (0-100 m) en contexte de socle altéré, 2e Colloque GEOFCAN, edit. BRGM, IRD, UPMC, pp. 105-110, Orléans, France.

Wyns R., Baltassat J. M., Lachassagne P., Legchenko A., Vairon J., Mathieu F. (2004) - Application of SNMR soundings for groundwater reserves mapping in weathered basement rocks (Brittany, France), Bulletin de la Société Géologique de France, 175 (1), 21-34.

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