La gestion des eaux souterraines en Poitou-Charentes

De la première Loi   sur l’eau de 1964 à la mise en œuvre de la Directive   Cadre Européenne il existe un important arsenal règlementaire pour protéger la ressource en eau ; Du fait des enjeux et de l’état de la ressource, Poitou-Charentes est particulièrement concernée.

Sommaire de l’article :

Une région sur 2 agences de l’eau

La Loi   sur l’eau du 16 décembre 1964 a fixé les grands principes de la gestion de la ressource en eau en France. Elle a instauré un découpage du territoire en six grands bassins hydrographiques   et a conduit à créer des établissements publics de l’Etat chargés de concilier le juste partage de la ressource avec le développement économique et le respect de l’environnement. Du fait de sa position de seuil géologique et géographique, la région Poitou-Charentes est partagée entre les agences Adour-Garonne et Loire-Bretagne. La limite entre les 2 agences divise à peu près en 2 parts égales la région. Coté Adour-Garonne on trouve les bassins de la Charente, de la Seudre et la partie septentrionale du bassin   de la Dordogne/Garonne ; Les bassins Loire (Vienne, Thouet, Sèvre-Nantaise…) et Sèvre-Niortaise sont en Loire-Bretagne. Toutefois, du fait des possibilités de transferts karstiques   dans la zone de seuil, la limite hydrogéologique entre les 2 bassins peut-être différente de la limite topographique : entre Charente et Clain, entre Charente et Sèvre-Niortaise.
L’Agence de l’eau s’appuie sur un Comité de bassin   qui rassemble les élus, les représentants de l’Etat, des usagers et des mouvements associatifs. Renforcé par la Loi   sur l’eau de 1992, qui inclut une notion de planification grâce aux Schémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion de l’Eau* [SDAGE] et aux Schémas d’Aménagement et de Gestion de l’Eau* [SAGE], le modèle français – avec son organisation par bassin   et la concertation de tous les acteurs – a fait école au niveau international.

Cartographie des Schémas d’Aménagement et de Gestion de l’Eau de Poitou-Charentes

La région Poitou-Charentes est presque entièrement couverte par des SAGE mais qui sont à des degrés d’avancement divers : en démarrage (Charente, Thouet, Isle-Dronne), en élaboration (Clain, Seudre, Estuaire de la Gironde), en mise en œuvre (Sèvre-Niortaise, Vendée), en révision (Boutonne, Layon-Aubance, Sèvre-Nantaise, Vienne).

La Loi   du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) est venue encore appuyer cette politique, avec 2 objectifs fondamentaux :

• Donner des outils aux acteurs de l’eau pour reconquérir la qualité des eaux et atteindre en 2015 les objectifs de bon état* écologique fixés par la Directive   Cadre européenne sur l’Eau* (DCE) et retrouver une meilleure adéquation entre ressources en eau et besoins dans une perspective de développement durable* des activités économiques utilisatrices d’eau ;

• Donner aux collectivités territoriales les moyens d’adapter les services publics d’eau potable et d’assainissement aux nouveaux enjeux en termes

La Loi   crée l’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques* (ONEMA), un organisme à vocation technique et prospective qui organise le recueil et la valorisation des informations, notamment dans le cadre du système européen d’information sur l’eau (WISE*).

Une gestion à l’échelle européenne

La lutte contre la pollution* des eaux est la plus ancienne des politiques environnementales européennes. Elle a donné lieu depuis 1976 à de multiples textes. Afin de rendre cette politique plus cohérente et efficace, une réflexion commune sur l’harmonisation des législations européennes et nationales a débouché en octobre 2000 sur la Directive   Cadre européenne sur l’Eau* (DCE), complétée en 2006 par une directive   « fille » consacrée spécialement aux eaux souterraines  . Plus de la moitié des nappes   d’eaux souterraines   de l’Union européenne étant polluées, il est urgent de les protéger contre davantage de pollution et de détérioration. Ces textes instituent au niveau européen une gestion par grand bassin hydrographique   et une planification des objectifs. Elle introduit des obligations de résultats et des calendriers, se fixant comme but un bon état* général des eaux superficielles, côtières et souterraines à l’horizon 2015. Elle institue la transparence des coûts et le principe « pollueur-payeur ».

Les grandes étapes de la DCE

Le SDAGE* devient l’instrument français de mise en œuvre de la politique communautaire sur le territoire national, maintenant découpé en « masses d’eau* ». Le territoire est découpé en 553 masses d’eau souterraines. Pour les nappes   superficielles, ce découpage s’est appuyé sur le référentiel des systèmes préexistant, BDRHF version 1. La région Poitou-Charentes est concernée par 46 masses d’eau souterraines, dont 27 dans le bassin   Adour-Garonne.

La conservation et la diffusion des données

En 2002, la mise en place d’un système d’information sur l’eau* a permis de regrouper dans une banque de données* les connaissances sur l’eau provenant de plusieurs sources, pour les organiser, les stocker et les diffuser. Outre l’ONEMA*, qui en assure aujourd’hui le pilotage fonctionnel, les services de l’Etat, les agences de l’eau*, les organismes techniques (BRGM, IFREMER, INERIS…) et les collectivités territoriales participent au SIE. Au sein de ce système, le portail national d’Accès aux Données sur les Eaux Souterraines   (ADES), unique en Europe, récolte les données de tous les réseaux, quantitatifs et qualitatifs, qui en font la demande. En Poitou-Charentes ADES permet notamment d’avoir accès aux données des réseaux régionaux de suivi piézométrique   et qualitatif des nappes   ou à celui du Syndicat des eaux de la Charente-Maritime.

Site internet ADES

Pour accéder au site ADES

A la reconquête du bon état des masses d’eau souterraine

Atteindre en 2015 le « bon état » des masses d’eau souterraine, objectif fixé par la DCE, requiert une mobilisation scientifique et technique de grande ampleur. En 2005, l’état des lieux demandé par la DCE a permis une synthèse globale sur l’état des eaux de surface* et souterraines*. Pour la plupart des masses d’eau de Poitou-Charentes, le risque de non atteinte du bon état* est avéré si aucune mesure supplémentaire n’est mise en place. Les aquifères   les plus superficiels sont concernés par la non atteinte des bons états quantitatifs et qualitatifs. En revanche, les aquifères   profonds, mieux protégés des agressions extérieures, sont plutôt concernés par la non atteinte du bon état quantitatif.

La protection qualitative de la ressource

Les périmètres de protection* des captages

Les points de captages des eaux destinées à l’alimentation en eau potable  * sont entourés par un à trois périmètre de protection  * selon les conditions hydrologiques et hydrogéologiques. Ces périmètres sont destinés à protéger le point de captage   ainsi que le secteur proche de l’aquifère  , rendu sensible par le prélèvement  , contre les principales pollutions accidentelles d’origine humaine. Cette notion a été créée à l’origine par la loi   de 1902, suite à de nombreuses épidémies, pour protéger de toute atteinte bactériologique les sources destinées à la consommation. La réglementation a dû progressivement se renforcer au cours du XXe siècle en intégrant notamment les pollutions d’origine chimique, agricole et industrielle. Jadis déterminés par des géologues officiels, les périmètres concernent aujourd’hui tous les types de captage   utilisés pour l’alimentation en eau potable   (soit en dehors des captages du réseau collectif de distribution : fromageries et refuges en montagne, conserveries, captages privés pour les campings et restaurants, thermalisme…). L’ARS, qui gère ces aspects, s’appuie sur les avis des hydrogéologues agréés désignés pour chaque département. Les domaines d’intervention des hydrogéologues agrées sont plus larges que la définition des limites et des prescriptions des périmètres de protection. Leur avis est requis obligatoirement dans le cas d’infiltration   en nappe   d’eau de station d’assainissement, dans le cas de la protection d’une ressource prélevée pour le thermalisme ou dans le cadre de la création d’une sépulture privée. L’hydrogéologue agréé perçoit des indemnités à la charge du maître d’ouvrage.

Schéma de présentation des périmètres de protection
1 : Captage d’eau potable, 2 : Nappe d’eau souterraine* captée, 3 : Périmètre de protection immédiate (PPI), 4 : Périmètre de protection rapprochée (PPR), 5 : Périmètre de protection éloignée (PPE).

Trois types de périmètres existent :

  • le périmètre de protection   immédiate : zone obligatoire, située aux abords de l’ouvrage, clôturée et acquise par la collectivité. Il a pour fonctions principales d’empêcher la détérioration des ouvrages et d’éviter les déversements de polluants.
  • le périmètre de protection   rapprochée : zone obligatoire, en général de quelques hectares, en principe calqué sur la zone d’appel du point d’eau   qui dépend des caractéristiques des nappes   et de la nature des pollutions possibles. Les activités et installations y sont interdites ou réglementées.
  • le périmètre de protection   éloignée : zone facultative ou il n’y a pas d’interdiction, seule une réglementation.

En Poitou-Charentes fin 2010, 79.1 % des captages d’eau souterraine bénéficiaient de protection par DUP contre 66.7 % pour les prises d’eau superficielles. Au total (eaux souterraines   et superficielles), 86 % du volume total produit à l’échelle de la région étaient à cette date protégés par des périmètres. Globalement, pour les eaux souterraines   comme pour les eaux de surface, la région affiche des chiffres nettement supérieurs aux taux nationaux qui sont de 56% pour les captages et 66.1% pour les débits.

Protection des points de captage et débits associés par département fin 2010
(source : ARS Poitou-Charentes)

Les Aires d’Alimentation des Captages (AAC) prioritaires

En droit français, la loi   sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006 a renforcé les dispositifs de gestion de la ressource en créant des zones de protection quantitative et qualitative des aires d’alimentation des captages* (AAC) pour lutter contre les pollutions diffuses* d’origine agricole et non agricole. Dans le cadre du Grenelle de l’environnement, un classement des captages prioritaires pour la mise en place d’actions a été réalisé sur l’ensemble du territoire français. L’aire d’alimentation d’un captage   d’eau potable superficiel ou souterrain correspond aux surfaces sur lesquelles l’eau qui s’infiltre* ou ruisselle* participe à l’alimentation de la ressource en eau dans laquelle se fait le prélèvement  , cette ressource étant actuellement utilisée pour l’alimentation en eau potable  * ou susceptible de l’être dans le futur.
Les 71 captages jugés prioritaires en Poitou-Charentes ont fait l’objet d’une délimitation et d’une cartographie des zones les plus vulnérables au sein de ces AAC. Des opérations en cours visent par ailleurs à renforcer le suivi qualitatif (nappe  , cours d’eau) dans les AAC ainsi que de mieux identifier les risques de pollution (pression agricole, activité industrielle actuelle ou passée).

Schéma de présentation d’une AAC

Les Aires d’Alimentation des Captages* prioritaires dits « Grenelle » sont délimitées en considérant l’ensemble des apports d’eau qui alimentent un captage  , que cela soit verticalement par infiltration   d’eau à la périphérie du captage   ou latéralement par des apports de nappe   venant de zones plus éloignées. Une AAC est en général plus vaste qu’un périmètre de protection   éloignée d’un captage   et est définie sur des bases hydrologiques et hydrogéologiques.

La carte ci-dessous présente la délimitation et les zones jugées sensibles de l’aire d’alimentation (AAC) des champs captant de Sarzec-Charasse au Nord-Est de Poitiers. Il n’existe pas en surface de réseau hydrographique   pérenne et les vallées sèches, jugées particulièrement sensibles, témoignent des circulations souterraines. Les actions « protectrices » devraient s’appliquer en priorité dans ces secteurs, en vertu notamment du décret relatif aux Zones Soumises à Contraintes Environnementales (ZSCE) et à sa circulaire d’application du 30 mai 2008.

Délimitation et zones sensibles de l’AAC de Sarzec-Charassé (86)

Les programmes Re-Sources

Initié en 1999 pour répondre à la dégradation continue de la qualité de l’eau en Poitou-Charentes, le programme régional Re-Sources vise à reconquérir et protéger durablement la qualité des ressources naturelles pour l’alimentation en eau potable  . Cette démarche associe l’ensemble des acteurs sur les bassins d’alimentation de captages les plus dégradés par les activités humaines, majoritairement par les pollutions diffuses agricoles. Sur chaque bassin  , la collectivité qui a compétence pour la distribution d’eau potable met en œuvre un programme d’actions visant à faire évoluer les pratiques à l’origine des pollutions. Elle s’appuie sur un animateur Re-Sources.

Sur la base des retours d’expérience, l’évaluation du programme Re-Sources permet de recentrer les priorités et réorienter certaines actions. Aujourd’hui, les actions phares du programme sont identifiées et appliquées sur tous les bassins : diagnostics individuels d’exploitation, Mesures Agro-Environnementales*, travail collaboratif avec la profession agricole, plan d’entretien des espaces verts communaux, implantation de l’agriculture biologique … Les financements de ces programmes proviennent de l’Europe, l’Etat, la Région Poitou-Charentes, les Agences de l’eau Loire-Bretagne et Adour-Garonne.

Cartographie des AAC et programmes Re-Sources
Ressources en quelques chiffres :
  • • 61 Captages prioritaires
  • • 23 Aires d’Alimentation de Captage  
  • • 24 Porteurs de projets
  • • 250 000 ha dont 80% de Surface Agricole Utile
  • • 45 Mm3 d’eau potable produits par an
  • • 530 000 personnes desservies

(source   : www.poitou-charentes.fr/biodiversit…)

Prélèvements durables ou surexploitation ?

Du fait de leur importance sur une grande partie du territoire régional et de leur concentration sur quelques mois au printemps et en été, ce qui entraine des impacts sur le débit des cours d’eau et/ou sur la production d’eau potable, les prélèvements agricoles font l’objet en Poitou-Charentes d’une attention toute particulière par les gestionnaires de la ressource. Cela a conduit à mettre en place des collectes de données, des outils de connaissance ainsi que des politiques de gestion très élaborés et assez uniques sur le territoire français.

Les départements (DDT) de la région pratiquent depuis plusieurs années la collecte des volumes prélevés à la quinzaine (Charente-Maritime) ou à la semaine (Vienne, Deux-Sèvres) à partir des relevés de compteur. Cette collecte s’appuie sur les associations d’irrigants et sur les chambres d’agriculture. Les irrigants sont eux même la plupart du temps organisés en association par département (l’ADIV en Vienne), par bassin   voire par nappe   (les irrigants du Turonien en Charente…). Cette collecte assez bien structurée permet de disposer de données précises pour les outils de gestion.

Irrigation estivale

Avec près de 200 millions de mètres cubes prélevés dans le milieu par l’agriculture en Poitou-Charentes, dont les 2/3 en nappe  , la ressource en eau revêt une importance économique de premier plan. Mais d’un autre coté, ces prélèvements ont un impact important sur le milieu.

La gestion des prélèvements agricoles par des seuils fixés sur des piézomètres et sur des stations hydrométriques en rivière (seuils d’information, d’alerte et de crise) a été mise en place depuis plus de 10 ans et, du fait de cette expérience, ne cesse de s’améliorer. La définition des volumes « prélevables » et la mise en place des organismes uniques, en application du décret de 2007, sont aussi effectives ou en voie de l’être. La tarification de l’eau, la recherche de solutions alternatives, la mise en œuvre d’importants programmes de retenues de substitution, …., font l’objet de vifs débats, intéressant un large public, ce qui montre l’importance primordiale de la ressource en eau, en particulier souterraine, pour la région.
Par ailleurs, les gestionnaires ont mis en place des règlementations spécifiques :

  • Les zones de répartition des eaux* (ZRE), définies par la loi   sur l’eau du 3 janvier 1992, correspondent à des bassins, sous-bassins ou fraction de sous-bassins hydrographiques   ou du système aquifère   dans lequel l’importance de la sollicitation quantitative de la ressource entraîne un déséquilibre entre ressources et besoins en eau légalement exercés. Une grande partie du territoire de la région Poitou-Charentes (bassins versants du Clain, du Thouet, de la Sèvre Niortaise, de la Charente, de la Seudre et des cours d’eau côtiers de l’estuaire de la Gironde, de l’Isle et de la Dronne, des canaux du Curé de Villedoux et de Marans ainsi que la nappe   du Cénomanien en Vienne et Deux-Sèvres) est classée en zone de répartition.
  • • Sur le bassin   Loire-Bretagne, certaines nappes   sont classées par le SDAGE en Nappe   Intensément Exploitées (NIE). Dans ces zones, les aides et redevances de l’Agence de l’Eau sont majorées afin de progresser vers une utilisation de la ressource plus équilibrée : NIE du Jurassique supérieur de l’Aunis, NIE du Dogger de la Vendée et de l’Infra-Toarcien du Clain.
  • • En Charente, le département applique depuis 1999 un moratoire sur les nappes   du Turonien et de l’Infra-Toarcien, afin de les réserver exclusivement à l’alimentation en eau potable  *. Toute autorisation de création de nouveaux forages autres que pour ces besoins est provisoirement suspendue. Une démarche similaire est engagée depuis 2000 en Deux-Sèvres et en Vienne, sur l’Infratoarcien.
  • • En Charente-Maritime, le risque de pollution des nappes   du Crétacé peut provenir de défauts d’isolation entre les nappes   de certains forages d’irrigation, pouvant favoriser le mélange d’eaux superficielles vulnérables aux pollutions, avec les eaux profondes, en général de bonne qualité. Un protocole d’accord entre les acteurs de l’eau définit les secteurs prioritaires pour la préservation, les règles d’accès aux aquifères  *, le moyen de remédier aux ouvrages non conformes, et les priorités pour la mise en conformité de forages privés.

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